- L'otan affirme que, dans cette nouvelle guerre, en plus de manipuler les pensées, on manipulera aussi la façon de les produire. Pour notre bien ! Suite à ces révélations, attribuées entre autres à François du Cluzel, une longue liste d'analystes et d'experts estiment qu'il s'agit d'une nouvelle phase du combat. Mais est-elle vraiment nouvelle ? Pourquoi la déclaration figurant dans le rapport de l'otan sur l'innovation pour l'excellence en matière de défense et de sécurité (ideas), également connu sous le nom de Centre d'innovation, basé au Canada, est-elle si frappante, lorsqu'elle affirme que la guerre cognitive est une guerre idéologique qui cherche à miner la confiance sur laquelle la société a été construite... La désinformation exploite les vulnérabilités cognitives de ses cibles, notamment les angoisses ou les croyances qui les prédisposent à considérer toutes sortes de fausses informations comme vraies. Tout cela exige de l'agresseur qu'il possède une vaste connaissance de la dynamique sociopolitique de son ennemi, et qu'il sache quand et comment attaquer afin d'exploiter les vulnérabilités de son adversaire. La seule nouveauté est sa part de cynisme et elle n'arrive pas à la cheville des classiques du genre dans les agences de publicité ou de la propagande bourgeoises.
Ces « génies » prétendent qu'ils utiliseront, en combinaison, certaines armes aux capacités non cinétiques et cybernétiques pour manipuler l'information, la psychologie et les liens sociaux. Ils affirment qu'ainsi ils vont gagner tous les combats sans avoir besoin d'interaction physique. D'ailleurs, c'est moins cher, penseront-ils en ricanant. Ils insistent sur le fait qu'il s'agit d'un nouveau type de guerre qui utilise l'opinion publique comme une arme pour déstabiliser une nation. Ils aspirent à couvrir beaucoup avec très peu, poussant leur logique productiviste à l'extrême pour réaliser le rêve impérial : dominer à outrance, mais à coût zéro. Ils affirment qu'ils y parviendront en influençant non seulement la pensée mais aussi la manière de la produire. Les cibles sont des populations entières, ainsi que des individus, des communautés ou des organisations gênantes. Avec leur nouveauté guerrière, ils veulent semer des modes de pensée, de réflexion, de sentiment et d'action capables de modifier la réalité matérielle.
Ils affirment que c'est une façon différente d'agir, que ce ne sont pas les méthodes traditionnelles de guerre pour contrôler la population, car cette toute nouvelle version de la guerre cherche à contrôler la façon dont une population pense et agit face à des événements spécifiques. C'est une guerre pour attaquer les systèmes d'information/influence et pour parvenir à dominer l'adversaire par une attaque directe sur son système nerveux. Cela ressemble beaucoup au désespoir vociférant des vendeurs de contrôle social, désireux de séduire les investisseurs bourgeois pour qu'ils éprouvent in extremis des envies de manipulation. Mais à faible coût et presque invisibles, les responsables sont moins visibles.
Cela ressemble à un paradis de l'aliénation et à ce que nous avons déjà vu jusqu'à la nausée. Il ne suffit pas que le client achète compulsivement les produits monopolisés par un seul propriétaire, il faut qu'il croie que c'est ce qui pouvait lui arriver de meilleur et, de plus, qu'il consomme avec le besoin du vendeur plutôt qu'avec la raison de son porte-monnaie. Il doit même faire fonctionner la caisse enregistreuse qui lui facture les biens superinflationnistes. Qu'il croie que la violence des supermarchés bourgeois est un paradis du progrès, que c'est très bien qu'ils vendent cher, que la surveillance installée pour que personne ne vole un centime au capital est nécessaire. Que nous devons être reconnaissants et fidèles aux marques, que le crédit est toujours un cadeau généreux... qu'honorer les dettes (usuraires), c'est honorer la vie... Où est la nouveauté ?
Ils n'ont cessé de mitrailler sans merci les peuples de guerres psychologiques pour les convaincre et nous convaincre que les bombardements d'Hiroshima et Nagasaki, de l'Irak, de l'Afghanistan... étaient super bien, qu'ils l'ont fait pour les démocratiser, leur apporter le bien-être étasunien et accompagner leur développement heureux en bons frères et sœurs. C'est ainsi que nous acceptons la faim dans le monde, la misère, la spoliation, l'exclusion et l'expulsion de peuples entiers. C'est ainsi que nous acceptons qu'une poignée de millionnaires possède la richesse de la grande majorité des êtres humains. C'est ainsi que nous acceptons le capitalisme avec ses horreurs guerrières, financières et médiatiques. C'est ainsi que nous avalons ce gâteau de chair humaine, mitraillée et rendue misérable, comme si c'était la grande fête du progrès. La fin de l'histoire. La guerre cognitive dure depuis longtemps. Ils veulent nous endormir avec leurs balivernes.
Ne nous dites pas que la manipulation des modes et des moyens de production de la pensée est une « nouveauté guerrière » inventée par l'otan. Ne nous dites pas que grâce à cela, ils prétendent effacer des siècles de manipulation idéologique que nous avons déjà subis ad nauseam. Ne nous dites pas que la vieille recette d'infiltrer les têtes, de semer des stéréotypes mentaux et de fabriquer des conduites clichés est nouvelle. Ne nous dites pas que vos génies mercenaires sont apparus à la table des nouveautés scientifiques avec une marchandise idéologique sans précédent, perfectionnée, pour fabriquer des esclaves de conscience et serviles à leur propre destruction, tout en défendant le maître de façon rentable. Ne nous vendez pas la stupidité rance de la bourgeoisie impériale comme une nouveauté. Même les bourgeois les plus effrayés ne peuvent avaler une telle couleuvre, même s'ils sont des acheteurs compulsifs de bibelots répressifs. L'otan vend du poisson pourri.
Facebook, Google, Amazon, Microsoft et d'autres usent et abusent des données personnelles à des fins de profilage individuel pour anticiper les comportements qu'ils manipulent. Qu'est-ce que sont d'autre les achats sur Amazon ? C'est un problème stratégique. Cette économie politique du comportement bourgeois subordonne les méthodes de la recherche psychologique aux modèles économiques et crée ainsi des modèles plus précis pour le mode de production et les relations de production capitalistes, y compris la pensée et les comportements. Sa guerre fusionne la psychologie avec la cybernétique sous le règne de son économie.
Ils recherchent l'élucidation des mécanismes qui rendent la pensée possible, (ce qu'ils comprennent et imposent comme pensée). Leur cyber-psychologie est un ramassis de mercenaires vendant des connaissances au plus offrant. Ils s'empareront de la sémantique et fabriqueront de nouveaux mots et des concepts de sectes, pour embellir (et cacher les effets visibles) de leurs nouvelles théories sur l'interaction entre les humains et les machines qu'ils fabriquent. Mais ce n'est pas la conscience qui détermine la réalité, mais la réalité objective qui détermine la conscience. Nous avons des années de progrès scientifiques à ce sujet. Mais nous n'en profitons pas pour nous unir.
Leur tout nouveau prototype d'être humain vise à créer une psychologie de la subordination productive et bon marché basée sur la relation avec les machines. Ils travaillent également à développer une psychologie des machines, avec des logiciels esclavagistes, remplis d'intelligence artificielle mercantile et de robots hybrides, ivres du monopole impérial. Ils prétendent travailler sur une cyberpsychologie qui est un domaine scientifique et complexe de la guerre, englobant toutes les formes de subjugation de masse avec des phénomènes psychologiques manipulés technologiquement. La guerre cyber-psychologique qu'ils annoncent envisage la manière dont les humains et les machines formeront une entité productive heureuse, apprivoisée et auto-répressive. À faible coût. Pendant ce temps, nous continuons sans mettre sérieusement le problème de l'information, de la communication et de la culture à l'ordre du jour.
Si l'otan dépense des fortunes pour de telles pitreries guerrières basées sur des percées scientifiques, nous devons répondre en organisant une révolution sémiotique. Le scénario se répète avec des menaces plus nombreuses et plus graves, cette fois-ci d'un cynisme extrême. Surtout en utilisant une technologie qui n'atteint pas tout le monde sur une planète d'inégalité et d'analphabétisme technologique. Un monde où les monopoles ferment toute possibilité d'égalité instrumentale, sans parler de la complexité culturelle asymétrique de la planète entière.
Qu'y-a-t-il de nouveau ? Ils oublient que les peuples développent des capacités de défense consciente, avec l'organisation et la lutte révolutionnaire. Il s'agit d'une guerre (otan dixit), comprenons-le correctement, et c'est en ces termes aussi que les peuples doivent se battre et se défendre avec leurs outils sémiotiques, historiques et actuels. Ne tombons pas dans le piège qui consiste à croire qu'ils sont tout-puissants. Le dernier mot sera dit par les peuples qui s'organisent et consolident leur direction révolutionnaire. Nous ne serons pas les complices idiots qui répandent le plan publicitaire de l'otan afin de vendre ses tout nouveaux coups bas. Nous ne serons pas des imbéciles utiles propagandistes du génie pervers de la manipulation des pensées et des moyens de les produire. Nous ne servirons pas le plan de manipulation implicite qui consiste à prendre au sérieux les embuscades scientifico-publicitaires de l'otan. Nous dirons que la seule chose nouvelle est la lutte qui construit un monde sans capitalisme.
