ORGANE OFFICIEL DU COMITÉ CENTRAL DU PARTI COMMUNISTE CUBAIN
« Un attentat criminel ! », ainsi titrait la revue Bohemia, un article paru dans on édition du 12 janvier 1968. Cinq travailleurs de la poste furent victimes d’un attentat au colis piégé perpétré par la contre-révolution d’origine cubaine basée aux États-Unis. Photo: Padrón, Abel

LA HAVANE.— Cuba et les États-Unis ont rétabli les liaisons postales avec l’arrivée à l’Aéroport international José Marti du premier vol en provenance de la ville de Miami.

Peu après 10 heures, un appareil SAAB 340 de la compagnie IBC Airways a atterri sur le tarmac du terminal Aerovaradero. Le courrier postal a été reçu par les autorités cubaines, en présence de Carlos Asencio Valerino, président du Groupe d’entreprises Correos de Cuba et plusieurs fonctionnaires de l’Institut d’aéronautique civil, du ministère des relations extérieures et de la Douane générale de la République.

Carlos Rodriguez, un inspecteur du service d’inspection postal des États-Unis, a remis cérémonieusement une lettre à Carlos Asensio, le président de Correos de Cuba, la compagnie des postes nationales. Cette lettre relance officiellement l’envoi direct de lettres et de colis entre les deux pays, et a été suivie par un échange de sceaux postaux spécialement conçus pour cette occasion.

Dans ses déclarations à l’Agence cubaine d’informations, Zorayda Bravo Fuentes, Première vice-présidente de Correos de Cuba, a précisé que ces vols assureront trois fréquences hebdomadaires – lundi, mercredi et jeudi – avec départ de Miami, en Floride, à partir du 25 mars prochain

Elle a signalé par ailleurs que le rétablissement du service entre les deux pays permettra d’écourter le temps d’acheminement, autrement dit de délivrer le courrier dans des conditions de rapidité, de régularité et, surtout, de sécurité satisfaisantes. Elle a ajouté que la question de la sécurité revêt une importance cruciale pour Cuba, comme il est souligné dans l’accord, avant de rappeler que les opérations avaient été interrompues en 1968 à la suite de l’explosion au ministère cubain des communications d’une bombe piégée en provenance de New York.

La fonctionnaire de Correos de Cuba a expliqué qu’un deuxième bureau a été aménagé à La Havane dans les locaux du Bureau de change international, exclusivement réservé au traitement du service postal à destination et en provenance des États-Unis. Ce bureau est doté d’une technologie moderne qui lui permettra de traiter en moyenne cinq tonnes de messagerie en 12 heures.

« Le rétablissement du service postal direct permettra donc une distribution plus rapide – auparavant le courrier devait passer par un pays tiers – de réduire les coûts d’opération, et aux usagers cubains d’envoyer dans le pays voisin des lettres et des colis postaux de jusqu’à 10 kilogrammes », a signalé Zoraya Bravo.

Après six ans et demi de négociations, le 10 mai Cuba et les États-Unis sont convenus du rétablissement du service postal par le biais de la mise en œuvre d’un Plan pilote pour l’acheminement du courrier.

En tant que membres de l’Union postale universelle, les deux pays doivent s’engager à offrir à tous les citoyens un service de qualité à des prix abordables.

Après avoir procédé à une coordination pour régler les derniers détails techniques, opérationnels et sécuritaires, l’Entreprise de messagerie internationale et de Changement international du Groupe d’entreprises Correos de Cuba a passé un contrat avec l’entreprise IBC Airways pour l’acheminement du courrier.

Ce vol inaugural qui rétablit les liaisons postales directes entre les deux pays met un terme à plusieurs décennies de méfiance et témoigne de la volonté d’avancer vers une relation différente.

POURQUOI N’Y AVAIT-IL PAS DE COURRIER POSTAL DIRECT ?

Il pourrait sembler incroyable qu’en plein 21e siècle deux pays doivent s’asseoir pour discuter de la mise en place d’une liaison postale directe et sûre, mais il est bon de rappeler que la genèse de ce dossier remonte à il y a près de 50 ans, lorsque Cuba décida d’interrompre ces échanges.

« Un attentat criminel ! », ainsi titrait la revue Bohemia dans un article paru dans son édition du 12 janvier 1968.

Cinq travailleurs de la poste avaient été victimes – quatre jours plus tôt – d’un sabotage perpétré par la contre-révolution d’origine cubaine basée aux États-Unis. Il s’agissait d’un attentat au colis piégé.

Pau avant l’explosion de la bombe, au quai de déchargement du ministère des Communications l’atmosphère était bon enfant et chacun était occupé à son affaire. Un groupe de travailleurs étaient absorbés à décharger le camion qui apportait le colis en provenance de New York lorsqu’une valise frappée du timbre US-Mail lui exposa entre les mains.

Cette revue de l’époque précise que la déflagration provoqua des dégâts dans un périmètre de plusieurs mètres à l’arrière du camion. Les vitres des portes et des fenêtres furent soufflées par l’explosion et tous les travailleurs de l’équipe furent blessés.

Les destructions provoquées par cet attentat furent insignifiantes par rapport aux blessures subies par les personnes qui manipulaient les colis. Juan Bernal, qui tenait sans ses mains le colis piégé, fut atteint au ventre, aux jambes et aux yeux par la mitraille.

Un fragment de munition pénétra dans l’œil droit de Francisco Morales, tandis que Lucas Oviedo, Silvio Montes de Oca et Horacio Sanchez furent blessés au visage, au torse, aux avant-bras et aux jambes.

Les dégâts matériels et le nombre de victimes auraient pu être plus importants si l'explosion avait eu lieu à l’intérieur du bâtiment et non pas au quai de déchargement.

Le but de cet attentat, comme les nombreux autres perpétrés par les ennemis de la Révolution, était de semer la mort parmi les travailleurs sans défense, endeuiller des familles entières et causer le plus de dommages possibles.

« Parcel Post from New York U.S.A », pouvait-on lire sur l’étiquette d’enregistrement de la valise qui avait explosé.

Ce grave incident contraint le gouvernement révolutionnaire à adopter des mesures définitives par rapport à l’acheminement de colis postaux en provenance des États-Unis, face au laxisme du gouvernement de ce pays pour garantir la sécurité des colis.

Depuis, aucun progrès notable n’avait été enregistré en matière courrier postal entre Cuba et les États-Unis, les administrations successives de ce pays ne s’étant jamais engagées à adopter les mesures appropriées pour que des actions terroristes comme celle de 1968 ne se répètent plus à l’avenir.

Pendant des décennies, le courrier entre les deux pays a dû passer par un pays tiers, ce qui fait qu’une lettre postée à Cuba pouvait tarder plusieurs mois à arriver aux États-Unis, ou vice-versa, sans compter qu’il n’y avait pas de service de traitement des colis postaux

Dans une interview pour l’Agence cubaine d’informations, Josefina Vidal Ferreiro, Directrice générale chargée des États-Unis au ministère cubain des Relations extérieures, a annoncé que les deux pays avaient commencé à discuter de la régularisation du service postal direct en 2009, et que les discussions avaient été reprises en 2013 après une impasse de quatre ans.

Dans le nouveau contexte de rapprochement entre La Havane, une année après les annonces du 17 décembre, Cuba et les États-Unis ont décidé de la reprise du service postal direct à travers la mise en application d’un Plan pilote pour l’acheminement du courrier.

Après vérification et réglage des derniers détails techniques, opérationnels et en matière de sécurité, le vol inaugural qui marque le rétablissement des liaisons postales directes entre les deux pays met un terme à des décennies de défiance et traduit la volonté des deux pays d’avancer dans une relation différente.

La reprise du service postal est l’un des premiers résultats palpables après le rétablissement des relations diplomatiques entre La Havane et Washington, au mois juillet dernier, et elle profitera aux citoyens de part et d’autre du Détroit de la Floride, qui pourront envoyer leur courrier et leurs colis à travers un transport fiable, rapide et sûr.

Un autre accord conclu entre les deux gouvernements, concernant la reprise des vols réguliers entre différentes villes de Cuba et des États-Unis, permettra d’acheminer le courrier postal par cette voie qui est habituelle entre tous les pays du monde. (ACN)