
PLUS de 5 000 greffes de reins et 3 125 patients en dialyse, affiche la néphrologie cubaine, pratiquée à l’Institut de néphrologie (un hôpital de 3e niveau) situé à La Havane et fondé il y aura 50 ans le 1er décembre.
Le développement croissant de la spécialité a démarré après le triomphe de la Révolution, en 1959. C’est ce qu’a déclaré à Granma International le Dr Charles Magrans Buch, professeur titulaire émérite, qui est entré dans la profession en 1958 à la Clinique de 26, aujourd’hui rebaptisée Hôpital clinique et chirurgical Joaquin Albarran, qui abrite le siège de l’Institut de néphrologie Abelardo Buch Lopez.
Au début de sa carrière, le Dr Charles Magrans a connu un médecin qui pratiquait la dialyse à des patients qui avaient les moyens de payer le traitement. Une formation qu’il avait suivi aux États-Unis, où l’Hôpital avait acheté un rein artificiel.
Ce médecin ne partagea ses connaissances avec aucun de ses collègues. Au début des années 60, il émigra en important la documentation concernant le rein artificiel, laissant l’appareil à l’abandon et un grand nombre de patients sans traitement. Plusieurs jeunes médecins, encouragés par le Pr Abelardo Buch Lopez, premier directeur du service, et par les autorités du ministère de la Santé publique (Minsap), parvinrent cependant à faire fonctionner les appareils.
Cuba s’appuya sur l’expérience acquise dans les pays socialistes d’Europe de l’Est et acheta un autre appareil à un pays européen. Le pays avança dans la recherche des causes et des principaux mécanismes des dommages rénaux. Les résultats encourageants donnèrent naissance à la néphrologie cubaine.
En 1966 eut lieu l’inauguration officielle de l’Institut de néphrologie, qui répondait à trois principaux objectifs : prêter une assistance médicale, former des médecins à l’exercice de la spécialité et développer la recherche afin de fixer les protocoles de prise en charge des pathologies rénales.

À la fin de 1968, un programme de dialyse fut mis en place afin de prolonger la vie des patients souffrant de maladie rénale chronique très avancée. La première transplantation rénale à partir d’un rein prélevé sur le cadavre d’un donneur eut lieu en février 1970. Le service fut ensuite étendu à des hôpitaux d’autres provinces du pays, avec le souci de la plus vaste couverture médicale concernant cette maladie, jusqu’à atteindre 51 unités néphrologiques. À l’heure actuelle, 5 761 patients ont subi une greffe, et 1 100 personnes vivent avec un rein transplanté.
Charles Magrans affirme : « L’amour de la spécialité a primé, ce qui nous a permis de progresser rapidement dans la maîtrise des techniques. Chacun d’entre nous voulait faire beaucoup plus que ce que nous pouvions faire. La Révolution et son projet social nous a conduit à un plus grand dévouement envers l’intérêt collectif. »
Le Dr Reynaldo Mañalich Comas, également professeur titulaire émérite, reconnaît que l'accès massif de la population aux services de santé a généré des visant à répondre aux besoins des patients, avec, notamment, l'ouverture de davantage de services de néphrologie, l'achat d’autres équipements et une meilleure formation des spécialistes des autres provinces.
Actuellement, un programme national a été mis en place pour la prévention et le traitement des maladies rénales, comportant une procédure de dépistage au niveau primaire par le médecin des familles, qui dirige immédiatement le patient vers le service spécialisé. L'insuffisance rénale chronique est traitée à partir de trois procédures : la transplantation, l'hémodialyse et la dialyse péritonéale.
L'hémodialyse a pour principe d'épurer le sang à l'aide d'un filtre synthétique extracorporel, le rein artificiel. Le sang veineux du patient est pompé et dirigé dans une circulation extracorporelle avant de revenir, une fois filtré, dans le corps du patient. Un bain de dialyse composé d’eau ultra-pure circule en continu en sens inverse afin d'optimiser l’évacuation des produits accumulés.
La dialyse péritonéale est l'épuration du sang en utilisant le péritoine comme filtre. Elle consiste en l'élimination des déchets au travers de la membrane péritonéale entre la circulation sanguine de la séreuse péritonéale et un liquide introduit dans la cavité péritonéale, le dialysat.
« Pour appliquer ces traitements, le pays a dû acquérir des équipements de pointe, créer des laboratoires spécialisés, développer la chirurgie mini-invasive avec incision par rayon laser, l'utilisation de la médecine nucléaire et des moyens informatiques, ainsi que toute une gamme de domaines scientifiques pour couvrir les services médicaux », a expliqué le Dr Mañalich Comas
« C’est le fruit de 60 années de travail. Mon grand plaisir, c’est de transmettre mes connaissances aux nouvelles générations. Nous avons créé un réseau de spécialistes dans le but de partager nos expériences, que nous sommes prêts à confronter avec des collègues du monde entier afin de renforcer la qualité de nos services et d’améliorer la santé de la population mondiale », a souligné le spécialiste.
Pour le Dr Guillermo Guerra Bustillo, directeur de l'Institution, le fait d’avoir renforcé la formation de spécialistes cubains et étrangers a eu un impact positif sur la néphrologie. « Cuba compte actuellement plus de 400 néphrologues. L’Amérique latine vise à atteindre 20 spécialistes pour chaque million d'habitants d'ici 2030, alors que nous avons déjà atteint le chiffre de 37 spécialistes par million d’habitants », précise-t-il.
Le médecin se félicite de la priorité accordée par le ministère de la Santé publique aux traitements substitutifs de la fonction rénale, tout en insistant sur les difficultés qui se posent au pays pour acquérir les équipements, vendus à des prix élevés du fait du blocus économique, commercial et financier imposé par les États-Unis. En effet, Cuba doit les acheter sur des marchés éloignés et à travers des intermédiaires, les transactions financières directes étant impossibles. Le directeur illustre ses propos en indiquant qu’un traitement par dialyse péritonéale revient à environ 4 000 dollars par patient, alors qu’ici il est mis gratuitement à disposition de tous les patients qui en ont besoin.
Et de poursuivre que « cette méthode ambulatoire, introduite dans nos services voilà 8 ans, bénéficie à 50 patients dans tout le pays, enfants et adultes confondus. Ses avantages : le traitement est appliqué à domicile par la personne ou un proche, ce qui diminue les transferts à l’hôpital et permet au patient de poursuivre sa vie professionnelle et sociale ».
Cependant, l'hôpital doit fournir l’équipement, des bourses de liquide pour pratiquer au moins quatre dialyses par jour ; des bouchons de sécurité ; le matériel jetable pour insérer le cathéter dans la membrane péritonéale. Pour ce faire, les aires de service de l'Institut ont été agrandies pour installer une petite salle pour la formation des patients et des familles, plus des consultations et plusieurs lits d'hôpitaux.
Par ailleurs, les greffes de rein ont augmenté après l'adoption, par la législation cubaine, de la possibilité que le donneur vivant n’ait aucun lien consanguin de premier degré, autrement dit, il peut être un proche parent, le conjoint ou l'un de ses enfants, sans degré de descendance avec le patient.
Pour ce faire, les bâtiments des services de transplantation ont été réparés ; des équipements ont été acquis, ce qui a contribué à revitaliser et à stabiliser les fonctions de l'Institut de néphrologie. « Nous disposons aujourd’hui de reins artificiels à la technologie innovante, ainsi que des équipements remis à neuf et répondant aux progrès scientifiques internationaux dans la spécialité. »
Le directeur a souligné que les travailleurs sont plus engagés envers leur fonction et leur responsabilité dans le traitement de la population, ce qui a valu un diplôme de reconnaissance à l’Institut, une reconnaissance décernée par le Syndicat national des travailleurs de la santé.
C’est ce que confirme la Dr Yamilet Garcia Villar, vice-directrice technique de l’institution, chargée de la distribution des fournitures à chaque patient qui bénéficie de la dialyse péritonéale, en plus de veiller au fonctionnement et à la restitution des équipements installés dans les services de néphrologie dans les différentes provinces.
Dans l'exercice de ses fonctions, elle coordonne la logistique hospitalière nécessaire aux soins médicaux. Elle reconnaît par ailleurs l’intérêt de la direction du gouvernement et du ministère de la Santé publique pour soutenir le programme national et fournir une couverture médicale à tous ceux qui en ont besoin.
Plusieurs patients et leur famille ont apporté leurs témoignages : Rogelio Gutierrez Labrada, du quartier havanais Diez de Octubre, a subi sept mois de dialyse péritonéale jusqu'à la greffe d'organe, il y a deux ans. À l’heure actuelle, il travaille comme mécanicien automobile et où il est chef d'atelier dans une entreprise locale de l'Union Électrique.
Yanet Alfonso Cobas se félicite du dévouement, du professionnalisme et de l'engagement des travailleurs de l'Institut de néphrologie dans leurs efforts pour prolonger la vie des patients. « J’ai constaté, face à nos préoccupations, leur disposition inconditionnelle à nous aider dans l’exercice le plus stricte de leur profession. » Son mari, Alfredo Diaz, a passé six ans dans le programme de dialyse péritonéale.
De son côté, Dennys Iglesias Poez, âgé de 37 ans, il a exprimé sa gratitude à tout le personnel, qui l'a aidé jusqu’au moment de la transplantation d'organe. Des remerciements qu’il adresse à d'autres personnes anonymes : médecins et dirigeants qui ont permis de garantir les fournitures, l'équipement et le matériel nécessaires pour arriver à l’opération chirurgicale dans de bonnes conditions physiques. « Je les remercie tous pour leur grandeur infinie d'être cubains. »