
Yamila Gonzalez Ferrer, docteure en sciences juridiques et professeure à la faculté de Droit de l'Université de La Havane, a affirmé en d’autres occasions et rappelé lors de l’audience parlementaire publique sur le projet de loi sur le Code des familles, qui s'est déroulée au Capitole de La Havane : « Nous devrions nous demander si le véritable amour existe sans le respect des droits des personnes que nous prétendons aimer, si nous comprenons la portée réelle du texte constitutionnel que nous adoptons en matière d'égalité, de non-discrimination et de dignité humaine. »
Ce projet de loi, a déclaré Yamila Gonzalez Ferrer, qui est également vice-présidente de l'Union nationale des juristes de Cuba et l'une des rédactrices du document juridique, porte bien haut ces principes et indique clairement que l'orientation sexuelle, l'identité de genre, la couleur de la peau, la croyance religieuse, le handicap ne doivent en aucun cas être ce qui marque la différence, ni des catégories permettant de déterminer si nous sommes meilleurs ou pires en tant qu’êtres humains.
Dans le cadre de l'audience « Cuba vit dans les familles », convoquée par les Commissions permanentes de travail sur les Affaires constitutionnelles et juridiques et sur l’Attention à la jeunesse, l'enfance et l'égalité des droits de la femme, de l'Assemblée nationale du Pouvoir populaire (ANPP), le président de la première commission, José Luis Toledo Santander, a jugé opportun de rappeler que le Code ne cherche pas à imposer à quiconque ce que doit être sa famille, mais qu'il établit des normes de respect et d'égalité pour toutes les personnes.
« Plus important encore, il reconnaît les différentes formes de familles avec lesquelles nous cohabitons déjà et qui nous demandent, comme leur droit, cette reconnaissance et cette protection, et il ne peut pas en être autrement dans un État de droit et de justice sociale, et cet État de droit et de justice sociale nous concerne tous de manière égale », a-t-il souligné.
Il a rappelé l'importance de la consultation populaire, car si ce projet de loi avait été soumis directement à l'Assemblée nationale du Pouvoir populaire pour adoption, il n'aurait pas été en accord avec la loyauté que le pouvoir législatif cubain doit au peuple.
La réunion était présidée par Ana Maria Mari Machado, vice-présidente de l'anpp ; le Secrétaire du Parlement, Homero Acosta Alvarez ; Oscar Silvera Martinez, ministre de la Justice ; Yamila Peña Ojeda, procureure générale de la République ; Alina Balseiro Gutiérrez, présidente du Conseil national électoral, ainsi que des membres du Conseil d'État, Aylin Alvarez Garcia et Karla Santana Rodriguez, respectivement Première secrétaire du Comité national de l'Union des jeunes communistes (ujc) et présidente nationale de la Fédération des étudiants universitaires (feu).
DES DÉFINITIONS OPPORTUNES DANS LE DÉBAT
Des concepts tels que la responsabilité parentale, l'autonomie progressive et la gestation solidaire, entre autres, ont suscité l'intérêt d'universitaires et de juristes de renommée internationale, ainsi que de députés et d'invités de notre pays, tels que la Dr Aida Kemelmajer de Carlucci, juriste prestigieuse de l'Académie nationale de droit de Buenos Aires, Argentine, la Dr Silvia Diaz Alabart, professeure émérite de Droit civil à l'Université Complutense de Madrid, Espagne, et Maria Berenice Diaz, vice-présidente de l'Institut brésilien du droit de la famille, Brésil, entre autres spécialistes.
Aida Kemelmajer de Carlucci a réfléchi sur la pertinence de l’expression « responsabilité parentale », qui a suscité une controverse, car certains souhaitaient maintenir le terme « autorité parentale » (Patria potestad). Une position que la spécialiste ne partage pas, car selon elle la responsabilité parentale est encore plus compréhensible pour le destinataire de la loi, ce qui permet de mieux la respecter.
En outre, a-t-elle poursuivi, nous sommes tous conscients que les attributions des pères et des mères ne sont pas des pouvoirs, mais des devoirs envers leurs enfants. L'une de ces responsabilités consiste à éduquer l'enfant pour qu’il soit capable de prendre des décisions pour le développement de sa personnalité, ce qui est tout à fait cohérent avec le concept d'autonomie progressive.
À cet égard, Neylia Abboud Castillo, professeure de Droit civil à l'université de Managua, au Nicaragua, a convenu qu'il s'agit d'un élément essentiel, car il implique une écoute active de l'opinion des enfants dans des circonstances spécifiques, comme dans des cas de divorce ou dans des procédures d'adoption.
L'autonomie progressive, a rappelé la juriste nicaraguayenne, est indispensable au développement de la personnalité des enfants, et cela dépend beaucoup de l’éducation qu’ils reçoivent de leurs parents. Les enfants et les adolescents sont des sujets de droits et leurs opinions doivent être écoutées, toujours avec une approche évaluative, a-t-elle souligné.
De manière générale, a-t-elle dit, le projet cubain n’a rien inventé, mais il décrit plutôt une réalité qui existe déjà, et cette réalité a besoin de soutien et de protection juridique.
Un autre élément a attiré l'attention de Kemelmajer de Carlucci, c’est l'adjectif proposé dans texte dans la définition de « gestation solidaire » qui lui semble parfait, auquel s'ajoute ce à quoi le code fait référence en termes de protection de la santé des parties impliquées, non seulement de la personne à naître, mais de la réglementation et du respect nécessaire des exigences qui sont offertes pour cette possibilité.
De nombreux principes lui ont paru essentiels, en accord avec la Constitution. D'une part, l'autonomie et la liberté, et d’autre part la solidarité, la non-discrimination et l'égalité, comme tout État constitutionnel de droit.
GARANTIES ET RESPECT D’AUTRES DROITS FONDAMENTAUX
Comme les précédents articles, la question des couples de même sexe et des familles homoparentales concerne également la justice en matière de reconnaissance et de protection de leurs droits à Cuba, car, comme l'a précisé la psychologue cubaine Patricia Arés Muzio lors de l'audience, ces couples et ces familles ne sont pas apparus avec le Code, ils existent dans notre pays depuis longtemps et, dans de nombreux cas, ils ont dû subir la discrimination et le silence.
« Nous ne saurions croire que nous pouvons les faire disparaître par le biais de conditions moralisatrices, cela nous fait nous positionner dans un idéalisme subjectif et ignorer la réalité sociale », a-t-elle averti.
Et de préciser que l'orientation sexuelle d'une personne ne compromet pas sa condition morale, ni sa santé mentale, et encore moins sa capacité à aimer.
Des études menées dans des institutions au prestige reconnu, a-t-elle expliqué, ont montré que ce type de famille a des possibilités semblables aux autres pour offrir aux enfants un environnement sain, et que le développement psycho-émotionnel des mineurs n’est en rien affecté.
Pour toutes ces raisons, elle soutient le projet, car la diversité des familles doit être protégée avec tous ses droits, notamment celui de vivre une vie saine et heureuse.
Selon Karla Santana Rodriguez, le projet de loi donne de la visibilité à cette diversité, c'est pourquoi nous parlons également des droits des personnes âgées, des droits des enfants et des adolescents, des femmes et de la protection contre la violence domestique.
Le député Raul Alejandro Palmero, tout en faisant référence aux principes du droit de la famille et à sa nécessaire correspondance avec ce que sera le Code, a mentionné parmi les vertus du document sa cohérence avec la Constitution, son caractère inclusif, et a mis en avant des questions clés comme la reconnaissance des unions de fait.
Selon Maria Berenice Diaz, vice-présidente de l'Institut brésilien du Droit de la famille, le texte cubain est l'un des outils les plus modernes de ce type dont elle a eu l'occasion de prendre connaissance, non seulement en raison des principes qui y sont consacrés, mais aussi parce qu'il établit une égalité pleine entre les hommes et les femmes, car il inclut la liberté de ces dernières de décider de leur corps, un droit qui, aujourd'hui, n'est pas courant dans de nombreux pays.
En outre, elle a également précisé et salué le paragraphe que le Code consacre aux formes de coexistence avec les animaux domestiques.
Au terme de la réunion, le Dr. Leonardo Pérez Gallardo, président de la Société cubaine de Droit civil et familial, a déclaré qu'il ne fait pas de doute que le Code doit ressembler de plus en plus à la Cuba d'aujourd'hui, il doit faire appel à l'inclusion, à la diversité, au principe de pluralité.
« Les familles cubaines nous interpellent, elles nous demandent une reconnaissance, et cette reconnaissance ne pourra leur être donnée, uniquement et exclusivement, qu’avec le nouveau Code des familles », a-t-il déclaré.
En ce moment, le projet de loi sur le Code des familles est soumis à une consultation populaire, qui a débuté le 1er février et s’achèvera le 30 avril.








