
On le dit transnational et cela semble un terme futuriste, postmoderne, en avance sur son temps, comme beaucoup ont qualifié le projet de Code des familles qui fait aujourd'hui l'objet d'un débat public pour enrichir, clarifier et/ou modifier le texte avant de le soumettre au vote populaire.
L’aspect transnational dans le Code repose sur la reconnaissance opportune des effets d'un phénomène humain : la migration, dont l'impact est considérable sur la dynamique familiale.
Or, malgré les distances, des liens affectifs forts et stables persistent au fil des ans entre ceux qui résident à Cuba et ceux qui sont à l'étranger.
Cette situation a un impact considérable sur la redistribution des rôles au sein du foyer, dans les relations de couple à distance, dans les soins de vie, dans la réarticulation familiale lorsque la figure paternelle ou maternelle émigre et que le mineur est laissé aux soins des grands-parents ou autres tuteurs, ce qui conditionne également le cadre juridique en matière de famille.
Maria Ofelia Rodriguez Soriano, chercheuse au Centre d'études démographiques de l'Université de La Havane, a expliqué à cet égard, à l’émission de télévision La Table ronde, que dans ce pays la permanence des liens transcende la question des envois d’argent jusqu’aux soins.
Des personnes qui vont s'occuper de membres de leur famille dans d'autres pays et des membres de celles-ci qui résident en permanence à l'étranger qui viennent à Cuba pour soutenir, et le rétablissement des relations de couple lorsque l’on vit dans des pays différents, sont quelques exemples énumérés par la spécialiste pour illustrer la diversité du phénomène.
Parler de familles transnationales et envisager leurs droits et leurs devoirs au regard de la loi relève donc aujourd'hui de la responsabilité de l'État envers les citoyens afin d'assurer le maintien de l'unité au sein du foyer et de garantir ses fonctions fondamentales.
« Le titre 12 du Code des familles fait référence aux normes du Droit international privé qui régissent cet élément d'extranéité présent dans les relations parentales de certains Cubains », a expliqué Rodolfo Davalos Fernandez, professeur de Droit international privé à la Faculté de Droit de l'Université de La Havane (uh).
Le fait est qu’en même temps que des liens affectifs entre les personnes converge une série de liens juridiques qu'il faut ordonner et connaître pour établir des limites au pouvoir législatif de chaque État en matière de conflits familiaux.
Pour cela, a précisé Davalos Fernandez, le modèle cubain s'est nourri de la technique législative la plus moderne : la Loi type, qui a émergé pour la Caraïbe en matière de droit commercial international.
Cette norme a servi à déterminer comment agir dans des situations qui dépassent les frontières. Aujourd'hui, le Code défend comme loi qui sera généralement applicable, celle du domicile (c'est-à-dire celle qui régit le lieu de résidence des justiciables).
Le Titre de droit international privé établit de manière claire et prévisible quelle est la loi applicable à chaque institution familiale, a souligné la Dr Yanet Souto Fernandez, avocate du cabinet d'avocats de services spécialisés et professeure de Droit international à l'Université de La Havane.
Mariage, divorce, filiation adoptive ou naturelle, alimentation... tout est protégé de manière adéquate, en respectant toujours les différences qui existent entre les autres cultures et la nôtre, et le fait qu'elles n’aillent pas à l'encontre ou ne violent pas les principes essentiels de l'État.
Dans le cas des biens patrimoniaux du mariage, le Code donne également aux couples la possibilité de décider à quelle loi ils vont se soumettre. S'ils ne choisissent pas, pour différentes raisons, alors il s'applique d'abord par le domicile matrimonial, la citoyenneté ou le domicile commun s'ils en ont un, ou selon le lieu de formalisation de l'engagement.
Taydit Peña Lorenza, professeure de Droit international privé à la Faculté de droit de l'Université de La Havane, a précisé comment s’effectue la reconnaissance des mariages conclus à Cuba, même si leurs effets sont établis dans d'autres pays, et les mariages contractés dans un autre pays qui souhaiteraient une reconnaissance légale à Cuba.
Sont exclues, évidemment, les personnes qui ne respectent pas les limites établies dans le Code pour contracter l'union : c'est-à-dire entre mineurs, les personnes qui n'ont pas la capacité de donner leur consentement, ou les mariages entre membres d’une même famille.
La reconnaissance des unions de fait a également un caractère transnational. En ce sens, tout relève du lieu où a lieu l’union ou le lieu où elle est enregistrée. Les parties peuvent également choisir la nationalité commune, le domicile commun ou la loi du lieu où elles se trouvent. Les effets varient d'un pays à l'autre, mais la possibilité de choisir est assurée.
Il existe également des garanties pour les cas où un mineur est envoyé illégalement sur vers un autre pays, en violation du droit de garde ou de visite. L'objectif est de restituer le mineur à son lieu d'origine.
Le projet de Code des familles parle en faveur d'une réalité que nous avons vécue et face à laquelle nous avons souvent été vulnérables. Il était et il est nécessaire que la Loi statue en la matière, et c’est ce qu’elle fait, en vertu du principe d’attention, de protection, de responsabilité et de respect mutuel.








