
Granma. – Après un processus de consultation populaire qui a impliqué plus de six millions de Cubains dans toute l'Île dans les débats sur le projet de Code des familles, l'une des principales questions qui a suscité des opinions diverses sur la nouvelle norme juridique a été l'approche des droits des enfants et des adolescents, dans un contexte où la protection de l’enfance exige un regard de plus en plus aiguisé.
Une telle perspective vise à inscrire dans la lettre de la loi une priorité connue de tous : l’importance que Cuba accorde à la croissance saine des mineurs, ainsi qu'au soin de leur intégrité physique et psychologique, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la famille.
Cependant, face à l'introduction, dans le projet de Code des familles, de droits spécifiques pour les enfants et les adolescents, une question commune s'est posée à de nombreux parents et grands-parents : vont-ils perdre certains pouvoirs sur les mineurs ?
La réponse est non, et bien que la loi soit explicite dans la détermination de l'étendue des droits des enfants et des adolescents dans l'environnement familial, sans pour autant invalider les devoirs et les droits de leurs parents, Granma a étudié les arguments qui, à partir de l'expérience juridique existante à Cuba, soutiennent l'urgence d'appliquer ces nouvelles propositions du Code des Familles dans les règlements juridiques.
GRANDIR AVEC UNE PLUS GRANDE PROTECTION JURIDIQUE
Yamilé Gonzalez Cabrales, présidente de la Chambre civile, administrative et du travail du Tribunal populaire provincial de la province de Granma, et vice-présidente de la Section de Droit civil et de la Famille au siège de l'Union nationale des juristes de Cuba dans la province, affirme que le traitement juridique des affaires impliquant des enfants et des adolescents est généralement complexe et très sensible, raison pour laquelle il est indispensable de disposer d'un cadre juridique actualisé qui envisage leurs devoirs et leurs droits.
Dans ce sens, précise-t-elle, le projet de Code des Familles devient un point de départ pour élargir l’horizon affectif et éducatif des familles, tout en renforçant la communication entre adultes et mineurs.
–Partant de ce constat, quel est l'impact pour la famille de l'intégration du concept de l'intérêt supérieur de l'enfant ?
–Ce terme est inscrit dans la Convention internationale des Droits de l'enfant de 1989, dont Cuba est signataire. Cette norme est transversale à toutes les dispositions qui ont trait aux mineurs car elle a une voie procédurale dont la prémisse est de protéger leurs droits.
En d'autres termes, lorsqu'une décision devra être prise au tribunal, il conviendra de toujours prendre en considération celle qui assiste, qui protège et reconnaît les droits des enfants.
Cependant, il faut tenir compte du fait que le Code de la famille en vigueur à Cuba date de 1975 et que, bien que les politiques publiques établies et prévues depuis lors à ce jour aient garanti les droits des enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant n’était pas reconnu dans la loi jusqu'à l'approbation de la Constitution de la République en 2019.
On considère que ce principe établit un avant et un après dans le cadre juridique cubain, parce qu'il cherche à changer le paradigme dans la conception de l'enfant, en cessant de le considérer comme objet de protection pour en faire un sujet de droits
En fait, dans la norme juridique actuelle, la communication avec les mineurs ne se conçoit que sur la base des intérêts des adultes. Par exemple, il peut y avoir le cas d'un père qui souhaite communiquer avec son enfant alors que la mère de l'enfant le limite, mais tous deux agissent sans vraiment écouter ce que l'enfant souhaite.
Face à cette réalité, je n'ai pas vu, dans mon expérience de juge, de processus visant à établir des obligations pour qu’un parent absent participe davantage à la vie de l'enfant en fonction de ses besoins, comme le fait de pouvoir compter sur sa présence aux réunions scolaires, aux activités parascolaires ou à tout autre domaine de sa vie.
En bref, l'enfant est désormais considéré comme une personne ayant des droits et des devoirs, qui seront acquis au fur et à mesure de sa croissance et de la maturation de ses capacités intellectuelles.
– Dans le même ordre d'idées, une question controversée incorporée dans le Code est le droit des mineurs à être entendus en fonction de leur capacité et de leur autonomie progressive. Ce concept signifie-t-il un changement dans le modèle traditionnel d'éducation et de formation dans les foyers cubains ?
– Pour la pleine jouissance de tous les droits et de l'exercice de la capacité, il a été défini que, d'un point de vue juridique, il faut atteindre l'âge de la majorité, qui est fixé à 18 ans, mais biologiquement, ce n'est pas ainsi que cela fonctionne.
En ce sens, le concept d'autonomie progressive vise à faire en sorte que, légalement, l'acquisition de la capacité ressemble à la manière dont cela se produit dans l'organisme du mineur. Un enfant de six ans ne sera jamais évalué avec la même rigueur qu'un adolescent de 13 ans.
Il convient également de préciser que le degré de maturité intellectuelle peut être différent chez des enfants du même âge. C'est pourquoi il est nécessaire de l'individualiser pour chaque enfant. Cela ne signifie en aucun cas que les enfants feront tout ce qu'ils veulent, ni que les parents seront limités dans leurs pouvoirs.
Il y a des circonstances qui le démontrent, comme celle d’un enfant qui ne veut pas subir de traitement médical par peur. Dans ce cas, la responsabilité parentale de prendre soin de l'enfant s’impose parce que le droit à la vie est primordial.
Dans tous les cas, il s'agit de légitimer la participation active des enfants à la dynamique familiale en leur donnant la possibilité non seulement d'être entendus, mais aussi de voir leurs opinions prises en compte. Quant aux parents, ils acquièrent des responsabilités supplémentaires.
–Dans le cadre de cette responsabilité parentale est inclus le devoir d'assurer la sécurité des enfants dans l'environnement numérique. Est-ce un pas en avant que le Code reconnaisse le droit des mineurs d'accéder aux plateformes virtuelles ?
–Tout d'abord, il serait naïf de penser qu'avec le développement des technologies de l'information et de la communication, il serait possible de concevoir l’idée que les enfants et les adolescents grandissent en dehors du monde numérique. Il ne s'agit pas seulement d'une conception cubaine, mais d'une réalité latente dans la plupart des pays. L'accès aux plateformes numériques doit donc être un droit pour les mineurs.
Mais dans ce domaine, il se passe la même chose que pour toute autre étape de la vie. En d'autres termes, l'accès des enfants à l'internet dépend du contenu et de l'utilisation appropriée du web en fonction de leur autonomie progressive et sous la direction de leurs parents et de leurs enseignants.
Aujourd'hui, nous sommes confrontés à de nombreuses situations désagréables sur internet qui n'ont pas de solution dans une norme juridique. À cet égard, le projet de Code des familles assume la part qui lui revient, néanmoins pour les comportements négligents associés à des infractions pénales sur Internet, le Code pénal récemment adopté a été mis à jour.
– Si vous deviez définir la plus grande contribution que le projet de Code des familles offre au développement intégral des enfants et des adolescents, sur quoi attireriez-vous l’attention ?
–Malheureusement, en tant que groupe vulnérable, les mineurs peuvent être victimes de diverses situations dans lesquelles des adultes les entraînent – qu'ils s'agissent de parents, de proches ou de connaissances – et le fait que leurs droits soient garantis par une norme juridique permet de lancer une procédure plus rapidement face à tout conflit les impliquant, tout en les protégeant avant, pendant et après le procès.
Même si, pour certaines raisons, les parents ne sont pas présents, les mineurs pourront compter sur le bureau du Défenseur des droits familiaux. À savoir, lorsque les parents ne répondent pas aux intérêts de l'enfant, celui-ci aura la possibilité de demander la protection et la défense de ses droits.
De manière générale, il s’agit d’une loi qui correspond à ce qui se passe réellement dans notre société. Elle n’a pas vocation de changer quoi que ce soit qui n'existe pas déjà dans les familles. Au contraire, elle cherche à faire en sorte que nous puissions tous être représentés, en particulier les enfants, dont les droits sont aussi sacrés qu’ils le sont eux-mêmes.