ORGANE OFFICIEL DU COMITÉ CENTRAL DU PARTI COMMUNISTE CUBAIN
Photo: Ricardo López Hevia

Comment dire à une mère que son fils disparu est un héros ? Comment regarder une mère brisée dans les yeux et lui assurer que sa douleur nous fait mal aussi ?

Comment dire au père qui pleure avec le chagrin d'un enfant que son fils est aussi le nôtre, et que nous l'aimons ? Comment ne pas penser à son propre enfant et ne pas sentir que l’air nous manque ? Comment ne pas s’émouvoir jusqu’au malaise physique ? Comment raconter la tragédie ?

Il est tellement banal d’affirmer que les mots ne suffisent pas, mais à l'hôtel Velasco de Matanzas, dans son hall, face à cette trentaine de proches qui attendent, la gorge se serre, les caméras s'éteignent, les stylos tombent.

Si les sanglots de désespoir et les pleurs sont terribles, les visages impassibles où coulent des larmes silencieuses, ces mères qui ne parlent pas, qui ne posent pas de questions, qui ne font qu'attendre, sont encore plus dévastateurs.

« Pourquoi lui ? », est sans doute la question la plus déchirante à poser et à entendre. L'un de ces fils allait faire ses études de médecine et la mère ne prononce jamais son prénom, elle dit seulement : « mon petit ».

Même si on l’a répété souvent, il y a des douleurs pour lesquelles il n'existe pas de consolation, que le temps ne guérit pas non plus. Des douleurs face auxquelles il ne reste que l’accompagnement respectueux et solennel.

Il faut beaucoup de courage pour ne pas s'effondrer face à ceux qui vivent le pire moment de leur vie, ceux qui attendent minute après minute que leur arrive la nouvelle d’une découverte d’un corps, qui souhaitent et qui craignent une identification, une fin.

La force des autorités qui viennent jusqu’à eux pour les mettre au courant de la situation dans la zone de la catastrophe est digne d’admiration. Il leur faut offrir des explications, écouter toutes les préoccupations ; le visage crispé, les yeux rougis, elles ont le devoir de maintenir une sérénité sous laquelle – on le devine dans leurs gestes et leur voix – il n'y a pas une trace d'indifférence.

Comment écrire à cette mère et à ce père que leur fils appartient désormais à toute l'Île, que ce n'est pas de la rhétorique, que nous l’avons pleuré en public, en laissant de côté toute l'objectivité de la profession ?

Nos paroles ne signifient rien pour eux, il est normal qu'il en soit ainsi, il n'y aura pas d’apaisement. Et même ainsi, le fils d’autrui nous accompagnera toute la vie, le visage que nous n’avons pas connu, les cheveux que nous n'avons pas caressés, les rêves dont nous n’avons rien su. Le fils appartient aussi à Cuba. L'attente est partagée.