
Comme José Marti qui fut son plus grand exemple, Fidel fut un inspirateur. Ce fut involontaire. Il n'eut pas d'efforts à faire pour se démarquer. Il lui suffisait d’être lui.
Aussi bien à la tribune – face aux grandes foules d'ici et du monde – ou sur la scène la plus étroite..., le trait particulier, celui qui avertit que vous êtes face à un être exceptionnel, était un signal pour les autres.
S'il fut une source d'inspiration pour les gens du peuple, qui l'ont suivi et se sont joints à lui pour accomplir une Révolution titanesque, que dire de ce que signifia sa stature extraordinaire pour ceux dont l’art est le moyen d’expression.
Fidel fut, est et sera, indéfectiblement, un sujet et un motif d'étude, une figure centrale d’essais, d’images, de documentaires, de chansons et de peintures. Mais il existe un espace intangible dans lequel le commandant en chef est resté attrapé pour se renouveler ensuite. Il s’agit du texte lyrique, celui que construit le poète.
Un instant de joie immense, le moment de la confirmation que le jeune rebelle était vivant, poussa Carilda à écrire son Je chante Fidel, dans lequel elle le décrit avec cette magnifique précision et le remercie « d’exister pour de vrai », d'avoir fait de nous des hommes et d'avoir pris soin « des noms que porte la liberté ».
La poétesse Pura del Prado le vit « pur et clair comme de l'eau enflammée » dans quelques vers qui furent lus dans Patria, une publication du Mouvement du 26 juillet, à New York en octobre 1957. Le Ciel te connaît amoureux / il t'a vu père comme tant d'autres, / et il sait le saut dans le feu que tu as fait / pour te sacrifier pour nous.
Fidel avance, dans cette Marche triomphale de l'Armée rebelle, de l'Indien Nabori après avoir vaincu la bête « pour le bien de l'homme », à la tête d’une caravane victorieuse, qui a vaincu l'ortie et les glaces. Et il est, dans les mots de Guillén, celui qui accomplirait la promesse de Marti de réaliser le rêve d'indépendance pour la Patrie.
Dans un autre poème intitulé Fidel... Fidel..., Navarro Luna répond à la question, bien que connue, si souvent évoquée par plusieurs générations : Qu'est-ce qu'il a Fidel / si les Américains / ne peuvent rien contre lui ? (...) Il lève la tête, et sa tête est un bourgeon / de liberté qui éclaire le sentier servile / Il peut donner des leçons aux héros d'Homère / et il peut aussi en donner à Don Quichotte !
La plume d'Angel Augier, le voit aller devant, Fidel de tempête et de tendresse, / qui domina la mer et la montagne, / le plomb, le vent, la haine par son exploit / et rendit sa stature à la Patrie.
Le don d'ubiquité, uniquement possible chez ceux qui ne se reposent guère, fut décrit par Mirta Aguirre : Ainsi en Oriente / ou à Vueltabajo, / dans les bons ou les mauvais moments / De toutes parts, Fidel présent : / dans le travail / ou sous les balles / Comme si ses bottes de combattant / étaient faites d'ailes.
Un poème d'Alberto Rocasolano conclut : Et le héros, / n'est-il pas la substance de ses propres décisions ? / temps, dis l'intégrité et l'exemple de Fidel : / sa pensée claire, la ligne primordiale de ses idées / car il a dit homme, liberté et monde / quand il a pris conscience qu'un homme n'est pas un homme / sans le droit au pain et à la joie.
Dans des vers puissants, Jesus Cos Cause décréta : J'écris Fidel et l'aigle ne prend plus son envol / et s'il le fait, je l'ai dans le viseur de mon fusil. J'écris Fidel et j'écris / Je connais désormais les chemins. Et Raul Hernandez Novas : tels des enfants nous grimpons dans ses bras, tu as une Patrie, toi, / des frères en armes qui allons sur ses traces / où il le dira / où nos yeux le diront / prudents, ouverts pour toujours, accrochés au tremblement qui écume sa parole. Virgilio Lopez Lemus soutient que personne ne peut le résumer (...) que l’on ne peut rien lui dédier directement / Mais que tout homme du peuple mourrait pour lui / En toute circonstance.
Il est vrai que les poètes / attrapent des instants de la vie / et les fixent dans l'histoire, écrivit Miguel Barnet dans un poème intitulé Fidel, et il concluait : Mais comme il est difficile d'attraper l'avenir / et de le situer pour toujours / dans la vie de tous les poètes, de tous les hommes.
Gelman, au ton désinvolte et sévère, affirmait que l'on pouvait dire de Fidel « Je suis peuple » ou « le grand conducteur qui incendia l'histoire, etc. », cependant son peuple l'appelait « le Cheval ». « Et c'est vrai / Fidel un jour a chevauché Fidel / il s'est lancé à corps perdu contre la douleur contre la mort / mais plus encore contre la poussière de l'âme ».
Neruda, en le chantant, lui dit : et si Cuba tombait, nous tomberions, et nous viendrions pour la relever, (...) Et s'ils osent toucher le front / libéré de Cuba par tes mains / ils trouveront les poings du peuple, / nous sortirons les armes enfouies : / le sang et la fierté viendront / pour défendre Cuba bien aimée.
Son adieu fut sans aucun doute un événement marquant qui ébranla non seulement son peuple, mais aussi le monde entier. La poète Nancy Morejon écrivit des vers poignants en réponse à cet événement : « Oh, Commandant, où es-tu ? / Ou es-tu notre visage qui demandent de tes nouvelles ? Oh, commandant, ami, détenteur de l'espoir. / Les planètes, sous l'arc des étoiles / Et un soleil levant dans les villes, / Deviennent, en cet instant, ton escorte pour toujours.
Alexis Diaz Pimienta, dans sa Chronique brisée face à la mort de Fidel, écrivit : Je me sens sans paroles, moi qui les ai toutes eues, /Moi qui me vantais de tant de loquacité / Je me vois tout petit, la moitié d'une moitié. /
Tous mes non-mots sont des élégies, des odes, / des louanges et des panégyriques... Nous sommes tous des rhapsodies / enfouis dans les limbes du dur scepticisme / Moi aussi, je suis militant du meilleur fidélisme / Moi aussi, je suis Fidel, je l'ai toujours été, sans me vanter / Se taire n'est même pas l'option des lâches.
Se taire, c’est s’enfermer chacun en soi-même. Dans l'effervescence de sa vie, Fidel toucha des âmes sensibles qui lui renvoyèrent depuis leurs visions respectives les moyens de l'éterniser avec les plus beaux mots dont elles étaient capables. Même si ces lignes ne reflètent que la voix de quelques-uns des poètes qui furent ébranlés par sa personnalité, il est bien connu que parmi le peuple, comme chez Marti, il existe d'innombrables moments d'émotion face à Fidel qui ont été portés à l’écrit.
Parmi tant d'autres perceptions, Fidel est aussi art. Il dédaigna avec modestie la gloire à laquelle il lui fut impossible d’échapper ; il n'attendit rien en retour que le bonheur de son peuple ; il ne voulut aucun monument en son honneur.
Mais le chanter tous les jours de la vie est inévitable. Pour les siècles des siècles, il illuminera les créateurs. Il est trop tard pour l'en empêcher, Commandant.