ORGANE OFFICIEL DU COMITÉ CENTRAL DU PARTI COMMUNISTE CUBAIN
Quiconque a vu la silhouette de ces hélicoptères au-dessus de l’immense colonne noire de fumée, n'a aucun doute que ces jours-ci, à Matanzas, le courage était aussi dans les airs. Photo: Ricardo López Hevia

Sur l'esplanade, on ne sait pas bien si la chaleur monte de l'herbe courte et bien entretenue ou descend du soleil inclément. Le fait est que là, sur ce que les gens de l'air appellent leur « zone de basification », la température est aussi élevée que la sensation d'immensité.
Sur les cinq hélicoptères des Forces armées révolutionnaires qui participent à la lutte contre l'incendie sur la base de supertankers de Matanzas – de l'autre côté de la baie – seuls deux sont au sol à cette heure, les autres sont en pleine opération.
Les équipages, qui prendront l’air de nouveau dans peu de temps, se réfugient dans l’ombre projetée par leurs appareils. Sous eux, sous leurs puissantes structures, tout le monde se sent petit, tout le monde sauf ceux qui les maîtrisent, et cette expertise est évidente au premier coup d'œil.
Ici, rien n'est laissé au hasard. Les protocoles de repos et de contrôle médical sont inviolables. Le major Geosvany Hernandez Peña a obtenu son diplôme en 2005 et est chef de vaisseau, ce que nous, civils, connaissons sous le nom de pilote.
Il explique que l'équipage est composé de trois personnes : le chef de vaisseau, le technicien de vol et le copilote. Sur cette mission, en raison de sa complexité, deux chefs de vaisseau volent dans le cockpit, mais « le plus expérimenté est toujours responsable de la technique ».

La plupart d'entre eux sont jeunes, mais ils ont accumulé une expérience de vol considérable qui leur a permis de garder leur calme face à des risques énormes. Photo: Ricardo López Hevia

Le nombre d'hélicoptères dans les airs dépend de la situation, parfois un, deux, ou tous en même temps. Le chef des Forces aériennes reste sur les lieux de la catastrophe avec les pointeurs, qui sont également des pilotes ; ils évaluent les lieux avec les pompiers et décident de la manière de procéder. Il ne s'agit pas de lancer de l'eau sans arrêt, il y a des points et des moments précis.
Le major Geosvany Hernandez Peña résume la procédure : « Nous décollons. Depuis les airs, nous maintenons la communication avec le pointeur. Nous remplissons la poche dans la baie, puis nous créons un profil de vol pour passer à l'attaque avec de l'eau ».
« Nous le faisons de manière échelonnée. En fonction du nombre d'avions en vol, une certaine distance de sécurité est établie entre eux. Lorsque l'eau est libérée, la fumée monte, c’est pourquoi il faut attendre entre une entrée et la suivante, ce n’est qu’ainsi que celui de derrière pourra voir. La durée du vol dépend du carburant. »
L'eau est transportée dans le « bambi bucket », un dispositif qui, vu du sol, ressemble à une petite poche, mais qui contient 2 500 litres d'eau et ajoute deux tonnes et demie au poids l'hélicoptère en vol.
Le lieutenant Reinier Martin et le premier lieutenant Leonardo Diaz Guerra sont des spécialistes de l'armement aérien et opérateurs du « bambi », qui est contrôlé par une télécommande et un système électrique qui assure son ouverture et sa fermeture.
Ce sont eux qui donnent le feu vert pour voler à l'hélicoptère. La vie des pilotes est entre leurs mains et vice-versa. Voler est une question de confiance, c'est pourquoi, disent-ils, en l'air, ils échangent toujours leurs idées. En effet, transporter le « bambi », ce n'est pas facile : il faut descendre à deux mètres au-dessus de la mer pour le remplir, et ensuite faire très attention à ce que cette poche suspendue n’aille pas s’écraser contre une structure quelconque.
Le capitaine Sergio Luis Garcia Fajardo, 32 ans, originaire de Villa Clara, pilote et fils de pilote, père d'un garçon d'un an et demi, qui était autrefois membre de l'équipe de basket-ball de sa province, parle des dangers. « En vol, nous évitons les endroits où la combustion est très forte, car les moteurs ont besoin d'oxygène pour fonctionner, et là où il est très raréfié ou il n'y en a pas, ils peuvent s'arrêter, ou toute autre panne peut se produire.
« Là aussi, la visibilité est réduite et on peut perdre son orientation. » Par ailleurs, disent-ils, il y a la température, qui fait passer la chaleur épuisante de ce midi d'août pour un jeu. »
Depuis le sol, explique le major Geosvany, on nous avertis lorsqu’il faut interrompre une opération, mais depuis les airs, parfois, c’est nous qui les alertons.
Pour Garcia Fajardo, qui pilote depuis 13 ans, il s'agit sans doute de l'une des missions les plus risquées de sa carrière. « Pendant 30 jours, nous avons transporté de l'oxygène pour les patients de la covid-19, et c'était dangereux, car le moindre détail aurait pu nous faire exploser, mais une opération comme celle-là !
« Je n'ai jamais rien vu de comparable, il y avait des flammes vraiment tout près de l'hélicoptère », déclare le premier lieutenant Leonardo, visiblement ému. Le major Dairon Gonzalez Espinosa, 36 ans, originaire de la province de Granma et pilote depuis 16 ans, fait toujours un « petit  tour » de l'hélicoptère et passe sa  main sur le fuselage. Mais, dit-il, là-haut, face à une flamme qui dépasse de plus de 200 mètres, la hauteur à laquelle vous vous trouvez, et qui vous surprend à l'avant et à gauche, les rituels ont peu de valeur, c'est une question d'adresse et de calme.
« C'est inimaginable. Il faut le vivre. Nous savions qu'à tout moment il pouvait y avoir une explosion, car la fumée ne nous permettait pas d'avoir un contact visuel direct avec les réservoirs, avec ce qui brûlait. »
Leurs familles ne cessent pas de leur demander de faire attention, mais elles leur disent aussi qu'elles sont fières et elles ont une motivation particulière : les « frères du ministère de l'Intérieur qui sont portés disparus ».
En ce jour de lutte contre l’incendie, le panorama vu du ciel semblait plus maîtrisé ; la visibilité était bien meilleure et ils s'efforçaient essentiellement d'empêcher le feu de progresser vers d'autres structures ou vers les broussailles et de refroidir divers points.
Ils ne cessent de répéter que leur travail consiste à soutenir les pompiers, et c'est vrai, mais quiconque a vu en direct ou en images la silhouette de ces hélicoptères voler contre l’immense colonne noire de fumée, ne doutez pas que ces jours-ci, à Matanzas, le courage est aussi dans les airs.