ORGANE OFFICIEL DU COMITÉ CENTRAL DU PARTI COMMUNISTE CUBAIN
L'ONU a averti cette année que les stocks mondiaux de blé étaient tombés à leur plus bas niveau depuis 2008 en raison de problèmes dans son approvisionnement Photo: Archives

L'histoire de la science cubaine a été marquée par des défis relevés par des chercheurs audacieux, efficaces et, surtout, persévérants. Les scientifiques qui ont tenté d'introduire et de promouvoir le blé, aliment de base à l'échelle mondiale, dans notre pays en sont un exemple.
La faiblesse réside dans la lenteur de la réaction face à la généralisation des résultats, un point de vue défendu par certains scientifiques, que partagent ce journaliste et probablement de nombreuses personnes.     
  Il est urgent de changer cette mentalité, surtout lorsque le pays dispose d'une Loi sur la souveraineté alimentaire qui fait partie de la stratégie de sécurité nationale. Si quelqu'un en doute encore, qu'il réfléchisse aux prix élevés des produits importés, résultat de l'inflation déclenchée, entre autres, par l'impact de la covid-19 et la guerre en Ukraine, l'un des principaux fournisseurs mondiaux de céréales, avec la Russie.
LA VOIE SCIENTIFIQUE DU BLÉ
Le blé, une céréale d'une extrême importance au niveau international, a connu un parcours scientifique ardu sur l'Île. C'est ce que révèle une étude intitulée El cultivo del trigo en Cuba, un siglo de trabajos (La culture du blé à Cuba, un siècle de travaux), dont les auteurs appartiennent aux Instituts de recherche fondamentale en agriculture tropicale, de biologie moléculaire et de recherche sur la canne à sucre et aux universités de Villa Clara, Ciego de Avila, La Havane et du Canada.
Selon les recherches, cette céréale est arrivée à Cuba avec les conquistadors espagnols et pendant une longue période, sa culture a prospéré, principalement dans la partie centrale de l'Île.
Ils citent divers documents, dont les notes de 1848 de l’historien cubain Antonio Bachiller y Morales.
Cependant, des notes de ce même auteur et d'autres spécialistes du sujet indiquent que cette culture a connu, dans tout le pays, un déclin notoire dû à diverses causes, comme l'importation de farine de Castille, à des prix qui s’avéraient très compétitifs, à laquelle s'ajouta la présence de parasites qui affectèrent les variétés disponibles à l'époque, ainsi que l'incitation économique dérivée de la culture de la canne à sucre et du tabac.
Créée en 1904, la Station expérimentale agronomique de Santiago de las Vegas, actuel Institut de recherche fondamentale en agriculture tropicale (Inifat), a introduit en 1909, selon des documents fiables, des semences d'un groupe de variétés destinées à promouvoir la culture du blé dans le pays.
Trois ans plus tard, à la suite à la reproduction des graines acquises, celles-ci ont été envoyées à Sancti Spiritus et dans d'autres endroits du centre de l'Île, ce qui répondait aux demandes des agriculteurs. Malheureusement, la plupart des graines n'ont pas germé.
L'organisme scientifique n'a pas relâché ses efforts, recevant à maintes reprises la collaboration d'agriculteurs qui importaient et semaient des graines par leurs propres moyens. Des documents montrent que dans les années 1930, plusieurs envois de graines de différentes variétés et de différentes origines ont été reçues pour des études phyto-techniques à la Station expérimentale agricole de Santiago de las Vegas.
Il existe également des preuves de bons résultats d’ensemencement de 1940 à 1942, mais on sait aussi qu'à partir de 1943, les récoltes ont diminué car les variétés commençaient à perdre leurs qualités d'origine. Puis, au terme d'une décennie de travail, la Station expérimentale agronomique de Santiago de las Vegas a publié un rapport indiquant que « ... les variétés introduites ne parviennent pas à s'acclimater, perdant au fil des récoltes successives leur rendement, leur germination, leur vitalité et leurs bonnes caractéristiques morphologiques ».
Les scientifiques n'ont pas abandonné le programme d’amélioration génétique et, en 1949, ils ont conclu que la culture du blé ne parviendrait pas à se stabiliser « ... tant que Cuba ne disposerait pas de variétés adaptées à nos conditions climatiques ».
GRIMPER DE NOUVEAUX ÉCHELONS
L'Institut national de la Réforme agraire, créé par Fidel en 1959, a également pris au sérieux la réintroduction du blé. Cuba a pu compter sur l'expérience et la passion des chercheurs de la Station expérimentale agronomique de Santiago de las Vegas. Ainsi, dans les années 1960, l'introduction de variétés nouvelles et de celles qui avaient déjà été testées s'est poursuivie, puis elles ont été distribuées aux agriculteurs désireux de promouvoir la culture de la céréale.
C’est en 1964 qu’ont été lancés les travaux de recherche visant l’obtention de variétés cubaines. L'ingénieur César Ismael Cueto Robayna (décédé en 2000), qui était convaincu de la nécessité d'un programme d'amélioration génétique, a joué un rôle important à cet égard.
Les actions pour obtenir une variété adaptée à notre climat ont commencé par l'étude de la variété brésilienne bh 11-46. La sélection de ses meilleurs génotypes a abouti à la sélection 204, qui a été testée dans différents points du pays.
C’est ainsi qu’est née la Cuba c-204, la première variété cubaine de blé. Par rapport à l'originale, des changements notables ont été observés dans la hauteur et la taille des épis. En évaluant les paramètres de croissance, on constate qu'elle germe 3-4 jours après avoir été semée, qu'elle commence à germer à 11 jours et les épis à 43 jours. La récolte a lieu entre 90 et 100 jours.
La vision des chercheurs s'est affinée et, dans les années 1980 et 1990, ils se sont concentrés sur la détermination de l'agro-technologie la plus adaptée à nos conditions, sur la base de la variété Cuba c-204. Ces travaux s'inscrivaient dans le cadre d'un programme mis au point sous les auspices d'un groupe multidisciplinaire sur le blé, mis en place à l'Inifat.
C’est ainsi qu’il a été établi que les bases de l'agro-technologie devait prendre en considération la production et la conservation des semences de base, l'étude de la phytopathologie et de la physiologie du blé à Cuba et l’obtention de nouvelles variétés.
DE LA SCIENCE AVEC PLUS DE SCIENCE
L’obtention de variétés par radio-mutagenèse caractérise l'autre programme lancé dans les années 1990 pour élargir les bases génétiques des variétés cubaines.
L'équipe, dirigée par la Dre Susana Pérez Talavera, a décidé d'utiliser les techniques de radio-induction de mutations, mises au point il y a dix ans par le groupe de radiobiologie et de radio-mutagenèse de l'Inifat. La variété Cuba c-204 a été choisie comme pro-génitrice et sa radiosensibilité a été étudiée afin de déterminer la dose de radiation gamma à laquelle les graines seraient soumises pour atteindre le but recherché.
Les résultats ont été impressionnants. Sept nouvelles variétés de blé sont apparues sur la scène scientifique et agricole cubaine : Inifat rm-26, Inifat rm-29, Inifat rm-30, Inifat rm-31, Inifat rm-32, Inifat rm-36 et Inifat rm-37. Grâce à elles, il est possible de concevoir une politique de semis appropriée en fonction des caractéristiques de chaque variété.
Cuba a finalement produit huit variétés de blé. Elles ont en commun un cycle de trois mois, une maturation uniforme, des rendements de deux tonnes par hectare (sur terres arides) et plus, ainsi qu'une résistance à la sécheresse et à la salinité.
Le long processus par lequel elles ont été obtenues a également été soutenu par des recherches liées à la cytogénétique et à l'anatomie, qui définissent leurs caractéristiques biologiques et leurs traits physiques.
Récemment, Victor Daniel Gil, directeur du Centre de recherches agricoles, à Villa Clara, parlant de la nécessité de généraliser les semis de pois, de pois chiches et de blé dans les champs cubains, a rappelé que la culture de ce dernier a des perspectives basées sur les travaux réalisés par l'équipe d'Inifat.
Avec les variétés obtenues, il est possible de semer et de récolter du blé à Cuba. Certains le font déjà, mais une réponse plus énergique et plus concrète est nécessaire de la part des organismes de l’État et des producteurs privés qui ont le potentiel pour se joindre à cette culture.