
À force de subvertir « l'ordre naturel du monde », qui met plus de délices sur la table des riches et plus de culpabilité sur celle des pauvres, une Île dressée au milieu de la mer a fini par transformer en clairs exemples d'amour des processus médiatisés presque partout sur la planète par l'ambition et le pouvoir brut.
Ce dimanche 26 mars que nous avons laissé derrière nous, mais qui a déterminé l'avenir, les élections à Cuba ont été une fois de plus celles dont rêvait Marti, celles qui se déroulent « dans le calme lorsque la liberté est déjà essence dans la nature, et que le respect du droit d'autrui est la garantie de son propre droit ».
Ce ne sont pas seulement les urnes gardées par des enfants qui n'ont d'autres armes que la sincérité ; ce ne sont pas seulement les gens simples qui soutiennent un processus avec la volonté pour devise ; ce ne sont pas seulement les candidats au Parlement qui considèrent leur probable fonction comme une charrue et non comme un piédestal ; ce ne sont pas seulement les drapeaux ou la musique, ni le quartier ressuscité.
C'est, avant tout, la fierté de se savoir partie prenante de quelque chose de plus grand que chacun d'entre nous séparément : un projet social qui soutient l'utopie qui fait avancer, juste au moment où l’on nous raconte que les temps où l’on partageait le pain sont révolus, qu'il ne reste plus qu'à oublier la poésie et s'abandonner à la religion de posséder beaucoup et de penser peu.
C’est de là, de cette responsabilité partagée, de la rébellion qui coule dans nos veines contre le défaitisme et l'arrogance impériale, et de l'engagement envers les nombreuses mains qui ont brandi le drapeau jusqu'à la mort, que vient cette essence insaisissable qui fait que Cuba échappe à tous les conventionnalismes et résiste à tous les pronostics.
Là où la logique de la droite du monde (qui est le monde à l'envers) indique qu'un peuple harcelé, face à un ennemi puissant – qui a décidé de le soumettre par la faim, le désespoir et l’épuisement d'une part, tout en le séduisant par le chant des sirènes d'autre part – finira par céder au mécontentement généralisé et à renoncer à la gloire vécue, les Cubains se rendent majoritairement aux urnes, et le pourcentage de vote laisse pantois ceux qui ne nous comprennent pas, parce qu'ils sont en manque d’âme.
En des temps si durs, et sachant que chaque élection est ici un référendum pour la Révolution, nous accueillons ce résultat électoral comme l'accolade nécessaire pour aller de l’avant. C'est la confirmation que la politique en face à face fonctionne, que l’esprit cubain est vivant et que nos gens sont plus grands, beaucoup plus grands, que ce que l’on imagine.
Si nous devons chercher une explication, tournons-nous vers Marti, car il savait que la Patrie brûle éternellement dans l'esprit des hommes qu'elle abrite et qu’elle protège : elle brûle parfois d'une lumière languissante, mais lorsque les malheurs l'enflamment, la lumière est vivante, brillante et belle.
En aimant, c’est ainsi que l’on crée. En aimant, c’est ainsi que nous avançons. La confiance dans le fait qu’un monde meilleur est possible nous appartient. La lumière nous appartient.