ORGANE OFFICIEL DU COMITÉ CENTRAL DU PARTI COMMUNISTE CUBAIN
L'impact généré par la concrétisation de la responsabilité sociale des entreprises est visible dans la transformation des quartiers vulnérables. Photo: Ronald Suárez Rivas

Le système d’entreprises cubain est confronté à l’urgence de réaliser de nombreuses transformations afin de répondre aux défis complexes du pays.
Sur cette voie, il doit assumer sa responsabilité sociale afin d'éviter un divorce entre une économie orientée vers la génération de bénéfices et un État chargé d’assurer le poids de la sphère sociale et ne disposant que de l’outil de redistribution.
« Une entreprise naît et elle est créée pour la société. » Lorsqu'elle fonctionne de manière efficiente et compétitive, elle contribue au maintien de la sécurité sociale et des services offerts à la population.
Autrement, « tout s'écroule ». Cette phrase, étayée par des connaissances acquises au cours de plusieurs décennies d'études, appartient à Martha Zaldivar Puig, docteure en Économie et professeure titulaire au Département des Sciences commerciales de la faculté d'Économie de l'Université de La Havane, qui a été consultée par Granma pour connaître les devoirs des entreprises à l'égard de la société cubaine.
Spécialiste de la Théorie des systèmes, elle assure que lorsque chaque partie remplit sa fonction et agit en équipe, tout entre en harmonie et un effet de synergie se produit, ce qui permet d'obtenir de bien meilleurs résultats.
– Sur quels domaines porte la responsabilité sociale des entreprises ?
– L'un d'entre eux concerne les travailleurs chargés du fonctionnement des machines pour produire les biens et les services, ainsi que la protection de l'environnement dans les lieux d’implantation de chaque entreprise.
Enfin, il y a les parties intéressées. Les entreprises constituent des systèmes ouverts, elles interagissent avec des macro et des micro-environnements formés par le système éducatif et juridique, des organismes et d’autres entreprises connexes, les clients, les communautés, entre autres.
L'entreprise reçoit de la technologie, des machines, des moyens financiers et ensuite, elle les renvoie, enrichis, vers l'environnement.
Les bénéfices lui permettent de survivre et de croître, ainsi que de reproduire la main-d'œuvre par le biais des salaires et d'autres mécanismes de prise en charge.
– Chaque entreprise doit-elle s’occuper de sa main-d'œuvre de la même manière, selon ses caractéristiques ?
– Non. Les indices de responsabilité sociale tiennent compte de la prise en charge des travailleurs de manière distincte. S’il y a des jeunes filles dans votre personnel, vous savez qu'à un moment donné elles auront des enfants et vous devez prévoir de prendre en charge ces personnes.
J'ai vu une entreprise en Andalousie dont le pourcentage de personnes souffrant d'un certain handicap était très élevé, parce qu'elle avait été conçue de cette manière, et qu’il existe une politique du gouvernement andalou pour soutenir ces initiatives en payant une partie des salaires. L'entreprise n’aurait pas pu le faire seule, sans aide.
Je souhaite que ce type de pratique se multiplie à l'échelle mondiale, et dans notre pays, où il y a un peuple si intelligent, avec tant de culture, et où nous avons aussi, comme dans d'autres pays, des personnes handicapées ayant des besoins de s'épanouir personnellement, et cela est possible en mettant l'accent sur la responsabilité sociale.
– Comment obtenir l'engagement social des entreprises avec différentes formes de propriété ?
– Un malentendu persiste : la question de la propriété est une chose, la gestion en est une autre. De nombreux États sont propriétaires d’entreprises, mais ils paient une équipe de gestion efficace pour s'occuper de cette démarche. Dans la plupart des pays, il existe cette convergence d'entreprises de différents types de propriétés.
Il me semble qu'il n'est pas possible, dans les conditions de notre pays, de faire cette distinction. Il faut regarder qui fait quoi et comment, et appuyer les enchaînements les plus adaptées avec des primes. Nous avons besoin de tellement de choses, d'une telle ampleur, qu'il est urgent de mettre en place des politiques publiques pour favoriser les enchaînements de manière correcte.
Une partie de la résistance au changement dans le monde est due à la crainte de revenir sur ce qui a été promis. Aussi, les personnes concernées ont-elles donc besoin d'être rassurées sur le fait que ces accords se concrétiseront.
Ce sont tous des entrepreneurs, même si l'un dirige une propriété de l'État, l'autre une propriété individuelle et le dernier une coopérative. La banque joue un rôle clé dans l’attribution de crédits plus souples.
Nous devons parier sur notre pays parce que nous pouvons y parvenir et, certes, nous tenons compte de l'avis de nombreuses personnes, mais je pense que nous devons encore écouter les gens, et les consulter davantage.
– Donc, la clé réside dans les politiques publiques ?
– La responsabilité sociale dépend aussi de l'efficience des politiques publiques, à commencer par la réduction d'impôts pour des actions telles que la prise en charge de personnes handicapés et l'amélioration des conditions de vie des travailleurs.
Je pense par ailleurs que la responsabilité sociale doit être encouragée indépendamment de la situation du pays, même si le budget nécessaire est insuffisant, mais nous pouvons promouvoir l'éducation à la responsabilité sociale et à celle des entreprises, car souvent nous n’agissons pas par manque d'autorisation ou d'éducation pour les comprendre.
Pendant la Période spéciale, on demandait aux entreprises une aide pour donner de la nourriture aux femmes enceintes, et l'entreprise disait : « Je le fais, mais, à tout moment  je vais aller en prison car je n'ai pas l'autorisation d'offrir de la nourriture gratuitement. » Quelle contradiction !
– Comment peut-on sensibiliser les entrepreneurs aux avantages de la responsabilité sociale ?
– J'ai vu des cours sur la responsabilité sociale, sur ce qu’est le caractère coopératif...
Pourquoi ne pas enseigner ces matières aux jeunes, afin qu'ils puissent ensuite continuer à l'université, et que les entrepreneurs puissent considérer la responsabilité sociale comme faisant partie de leur formation ?
En outre, elle devrait figurer dans les règlements de travail des entreprises.
Les entreprises devraient disposer d'indications sur la protection de l'environnement, non pas de manière générale, mais pour leurs activités spécifiques, sur une prise en charge véritable.
La question des déchets solides, les effets sur l'homme et la nature lorsque nous ne les collectons pas, ou lorsque nous traversons des lieux pollués, impliquent, par exemple, l'adoption d'une attitude socialement responsable.
Cette question n'est cependant pas étrangère à l'environnement des entreprises cubaines ; plusieurs réglementations légales y contribuent, comme la Résolution 201 du ministère des Finances et des Prix, adoptée en 2023, mais il manque encore beaucoup d’apprentissages collectifs pour la multiplier en tant que pratique.