ORGANE OFFICIEL DU COMITÉ CENTRAL DU PARTI COMMUNISTE CUBAIN
« Nous faisons en sorte que les gens comprennent que le CDR est là pour prendre en charge les problèmes de la communauté. » Photo: Endrys Correa Vaillant

Les Comités de défense de la Révolution (CDR) sont nés dans les premières années de la Révolution cubaine comme une nécessité impérieuse, avec pour mission essentielle de défendre et de préserver les idéaux révolutionnaires.
Leur tâche n'a jamais été facile, parce que Cuba, au cours des près de 65 années de l'organisation, qu'elle fêtera en 2025, a traversé des moments de crise et de harcèlement, dont il serait difficile de parler en termes de « victoire » sans mentionner l’impulsion des CDR dans chaque quartier.
Cependant, à l'heure actuelle, le Héros de la République de Cuba Gerardo Hernandez Nordelo, coordinateur national de l'organisation, n'hésite pas à déclarer à Granma que « mener à bien cette défense en 2024 diffère considérablement des questions qui se posaient en 1960. »
« L'évolution de la société et les changements dans l'environnement politique et social exigent de s'adapter et de trouver de nouvelles stratégies afin de préserver les acquis, toutefois la mission fondamentale des CDR reste la même : la défense de la Révolution face à toute menace pesant sur notre société », affirme-t-il.
Hernandez Nordelo, chef d'un réseau de Cubains infiltrés aux États-Unis pour aider à démanteler les actions terroristes contre Cuba, n'est pas connu pour craindre les problèmes, ni pour se dérober aux questions sur les sujets les plus brûlants dans les quartiers cubains...

– Quelle est la stratégie des CDR dans la lutte nationale contre la corruption et les illégalités ?
– Un leader de la Révolution, que j'admire beaucoup, me dit sans cesse que là où se trouvent les CDR, dans le quartier, il y a de tout : le bon, le mauvais et l'ordinaire et le fait est que, de même que nous avons des personnes de grande valeur, il y a aussi des délinquants et des corrompus.
Souvent, dans le quartier, ils savent qui ils sont ou ils s'en doutent ; c'est pourquoi nous, les CDR, avons une responsabilité dans cette bataille qui est celle de tous.
Qui sont les personnes affectées par les illégalités ? Lorsque quelqu'un vole, il ne vole pas seulement l'État..., il me vole, il vole le voisin, il vole la mère qui a trois enfants et qui dépend de l'aide de l'État, il vole le petit vieux qui reçoit sa pension. Tout le monde est touché.
Nous, les CDR, sommes concernés par tout ce qui affecte une communauté, et les illégalités font partie de ce tout, c'est donc aussi à nous de les surveiller.
Prenons, par exemple, la question de la drogue. Certains sont inquiets parce que l'on commence à voir un phénomène qui nous a été étranger pendant longtemps ou qui était pratiquement insignifiant dans notre pays, comparé à d'autres régions dans le monde, mais leur inquiétude est tout à fait justifiée, parce que la drogue est un phénomène qui touche le monde entier.
Il est inconcevable qu'une personne fasse du profit avec un tel vice au détriment de la sécurité, de la tranquillité ou de la santé de nos proches.
Et où ce phénomène de vente de la drogue se produit-il ? C’est dans un quartier, un pâté de maison, une communauté. Nous ne sommes donc pas épargnés par ces problèmes.

– Comment les entreprises étatiques et non étatiques influencent-elles le développement des communautés, du point de vue des CDR ?
Les acteurs économiques non étatiques, tels que les petites et moyennes entreprises, les travailleurs à leur compte ou d'autres formes de production, sont un phénomène relativement nouveau et, comme pour presque tout nouveau phénomène, il y a toujours eu des préjugés, des malentendus, de la méfiance... mais je peux vous dire que nous avons mis sur pied de nombreuses initiatives avec des formes de gestion non étatiques.
Lorsque nous avons commencé à faire les premiers pas dans cette direction, certaines personnes nous ont demandé comment le CDR, qui est une institution emblématique de la Révolution, allait-il s'allier avec une micro et petite entreprise privée pour apporter des dons dans un quartier ou avec une entité religieuse, et je répondais : « écoutez, l'important est que les dons parviennent à la personne qui en a besoin à un moment donné ».
Si les CDR collectent des dons et que le camion qui a la possibilité d'aller à cet endroit leur appartient, nous n'avons aucun problème à travailler ensemble. L'important, c'est l'action, et c'est pourquoi nous avons mis en place toute une série d'initiatives avec des formes de gestion non étatiques.

– Avez-vous des exemples concrets de cette collaboration ?
Récemment, la petite entreprise Juanki's Pan a fait don de 40 000 paires de gants chirurgicaux pour les hôpitaux ; une autre, m&l Soluciones, de Pinar del Rio, a fait don à plusieurs reprises de chaussures Crocs pour les services de soins intensifs, et des blouses pour le personnel médical, ainsi que des draps verts, entre autres fournitures médicales.
Nous avons également le projet, avec le restaurant Salsa Rio, près de la rivière Almendares d'offrir de temps à autre un repas gratuit aux dirigeants de la communauté, des responsables de base des CDR, qui sont souvent des personnes âgées, ayant 20 ou 30 ans d'ancienneté au sein de l'organisation.
Nous travaillons en étroite collaboration avec le projet A Cuba hay que quererla (Cuba, il faut l’aimer), avec lequel nous avons apporté des dons à des foyers pour enfants sans soutien familial, ainsi qu'avec les associations de Cubains résidant au Mexique et aux îles Canaries, et avec le projet Cubacan au Canada, qui envoie des dons par notre intermédiaire, ce qui nous remplit de fierté, car nombreux sont ceux qui ont peur et se méfient à l’idée de s'associer avec nous, parce que les CDR sont une organisation qui défend ouvertement la Révolution, et nous avons été la cible d'attaques et de propagande de l'ennemi.
Cependant, ces associations que je mentionne n'ont eu ni préjugés ni craintes, parce qu'elles savent qu'en faisant un don par l'intermédiaire du CDR, il va directement là où il doit aller.
Grâce au projet Cubacan, quelque 2 400 cannes pliantes pour les aveugles seront remises à l'Association nationale cubaine des aveugles (ANCI) et, auparavant, il avait déjà envoyé des machines à écrire en braille.
Par ailleurs, nous considérons que l’on ne doit avoir aucune sorte de réticence à travailler avec des acteurs non étatiques. Ils font partie de la communauté et si ce sont des personnes qui veulent apporter leur contribution de manière désintéressée, ils peuvent le faire sans aucun problème par l'intermédiaire des CDR, qui sont l'organisation de la famille cubaine.
Il s'agit d'ouvrir des brèches dans le blocus, car si l'on additionne tous les dons qui sont entrés dans le pays, nous avons apporté une aide considérable.

– De quoi dépend le fait que les CDR remplissent ou non leur rôle ?
– La première tâche consiste à compléter nos structures dans certains endroits où elles n'existent pas. Si, dans un quartier, vous ne convainquez personne de faire partie de la direction du CDR, vous avez pris un mauvais départ, parce que le bon travail dans la municipalité dépend du travail effectué dans le quartier, parce que c'est dans le pâté de maisons que tout se passe.
Le travail dans les quartiers nous a démontré combien il est important de compléter les structures, car il a une différence dans le fait que la municipalité décide de faire une action, par exemple installer un parc dans un quartier, alors ils viennent sur place, ils mettent les ressources nécessaires, construisent le parc et, au bout du compte, ils découvrent que ce dont la communauté avait besoin, c'était d'un petit pont pour traverser le ruisseau car tout le monde se couvre de boue en traversant la rue.
Le CDR n’est-il pas là pour ça ? Oui, il est là pour dire : « écoutez, ici, nous n'avons pas besoin d'un parc, ce dont nous avons besoin, c'est de ceci ou de cela », mais pour cela, il nous faut des structures complètes.
Nous faisons en sorte que les gens comprennent que le CDR est là pour prendre en charge les problèmes de la communauté et pour défendre le quartier et le pâté de maisons. Certains sont brillants dans leur université et sur leur lieu de travail, mais quand ils arrivent dans la communauté, ils disent : « Non, je ne peux pas rivaliser avec le petit vieux qui est le leader du quartier depuis 40 ans ». Et c'est tout le contraire, car ces personnes, dont nous sommes très fiers, ont besoin d’une relève.
Nombreux sont ceux qui vous disent que les CDR ne fonctionnent pas, et cette généralisation nous blesse, parce qu'il y a beaucoup de CDR dans le pays qui fonctionnent très bien. Il y a aussi ceux qui vous disent que l’on ne fait plus de « plans de la rue » (activités sportives et ludiques organisées dans la rue) ou de collecte de matières premières, alors qu’il y a des endroits où, le samedi, il y a des mini-festivals de matières premières, et le dimanche, il y a des plans de la rue très amusants, avec une participation massive de la communauté.
Dans ces quartiers, il y a des gens qui ne restent pas assis les bras croisés à attendre que quelqu'un de la direction nationale du CDR vienne organiser quelque chose pour eux. La créativité ne peut pas dépendre d'une consigne qui vient d’en haut. Il faut la mettre en pratique là où l’on vit.
C'est pourquoi nous ne sommes pas d'accord lorsque l’on généralise pour dire que les CDR ne fonctionnent pas. À cette personne, nous lui disons chaque fois : «  Bien, ton CDR ne fonctionne pas ; et alors, tu veux le faire fonctionner, tu veux être président ? Nous sommes prêts à travailler avec toi. »