ORGANE OFFICIEL DU COMITÉ CENTRAL DU PARTI COMMUNISTE CUBAIN
Diaz-Canel a appelé les pays de l'Alliance à répondre par l'unité, l'intégration et le dialogue aux attaques constantes du gouvernement de Donald Trump. Photo: Estudios Revolución

(Traduction de la version sténographique de la Présidence de la République)

Cher Nicolas, président de la République bolivarienne du Venezuela,
Cher Luis Arce, président de l'État plurinational de Bolivie,
Cher Daniel Ortega et Rosario Murillo, respectivement président et coprésidente de la République du Nicaragua,
Cher Roosevelt Skerrit, Premier ministre du Commonwealth de la Dominique,
Cher Premier ministre Ralph Gonsalves, de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, et cher Premier ministre Philip Pierre, de Sainte-Lucie,

Chers frères, chefs d'État et de gouvernement, et autres représentants de notre Alliance bolivarienne et de la République sœur du Honduras, représentée par la chère présidente Xiomara Castro,
Je pense que l'initiative du secrétariat de l'ALBA d'organiser cette réunion de travail est très utile pour mettre à jour nos priorités et échanger sur les défis actuels et futurs de notre région.
Comme vous le savez, quelques heures à peine après son investiture, le président du gouvernement des États-Unis a réinscrit Cuba sur la liste arbitraire des États qui prétendument soutiennent le terrorisme, sans preuve, sans justification et sans aucun respect pour la vérité.
Ils l'ont fait le premier jour, parce que très vite, il aurait été démontré à quel point les Cubains se sentaient soulagés par le retrait de cette liste qui a aggravé le siège contre Cuba.
Et nous voudrions saisir cette occasion pour exprimer notre reconnaissance pour les démarches et les réclamations exigeant le retrait de Cuba de cette liste, effectuées par les membres de cette Alliance qui nous ont accompagnés. C'est une chose que le précédent gouvernement des États-Unis a dû reconnaître, de même qu’il a également reconnu publiquement, bien que très tardivement, qu'il n'y avait aucune raison ni aucun argument pour maintenir notre pays sur cette liste frauduleuse et mensongère.

Cependant, nous devons tenir compte du fait que la question ne concerne pas seulement Cuba, toute la région de l'Amérique latine et des Caraïbes est à présent menacée et c’est seulement dans l'unité que nous pourrons faire face à l'articulation de la contre-offensive impérialiste et oligarchique qui sous-tend cette menace.
Il nous est impossible d'oublier les épisodes d'ingérence qui, il y a quelques années à peine, ont eu lieu dans notre Zone de paix, combinant des plans aussi délirants que dangereux.
Aujourd'hui, ce gouvernement des États-Unis prétend définir les options qui s'offrent aux pays de la région : soit se soumettre soit faire l'objet d'agression.
Et dès le premier jour, comme nous l'avons vu, la nouvelle administration étasunienne a fait preuve d'un mépris total pour les peuples d'Amérique latine et des Caraïbes et de leurs institutions, en recourant grossièrement au mensonge et à la manipulation.
Ils utilisent des qualificatifs racistes, des stéréotypes et des généralisations, en cataloguant de criminels des millions d'innocents parce qu'ils sont latino-américains et caribéens, et le gouvernement étasunien menace et tente de légitimer l'imposition de mesures coercitives unilatérales et d'autres décisions sans respect de l'ordre juridique des autres pays.
Nous pensons que, face à ce scénario, il nous appartient de bien distinguer la rhétorique de l’exaspération de ces acteurs pour atteindre des objectifs à court terme.
Il y a quelques heures à peine, ces questions ont été débattues ici à La Havane, lors d'un événement mondial consacré à José Marti et à l'équilibre du monde. Nous devons à l'Apôtre de notre indépendance une réflexion cruciale sur la manière d'agir face à ces défis. Et je voudrais reprendre trois phrases d'un texte publié dans [le journal] Patria :
« Ni les peuples ni les hommes ne respectent celui qui ne se fait pas respecter. »
« Hommes et peuples parcourent ce monde en enfonçant leur doigt dans la chair d’autrui pour savoir si elle est molle ou si elle résiste, et il faut endurcir sa chair, pour qu'elle chasse les doigts insolents ».
« … les Cubains montrent que, au moment de la gifle, il n'y a entre nous qu'une seule joue. — Nous résistons tous à ce que nous devons tous souffrir ».
Je pense qu'il n’est pas besoin de dire qu'avec la Révolution et la conduite de Fidel, Cuba a fait sienne toute l'idéologie de Marti, qui est une source nourricière de la dignité, la solidarité et l'anti-impérialisme.
Nous ne pouvons pas nous laisser provoquer par le nouveau gouvernement des États-Unis et nous ne marcherons pas au pas qu'ils veulent imposer. Nous maintiendrons notre calme, nous analyserons chaque action et nous réagirons lorsqu’il faudra le faire, avec le courage et l'audace dont nos leaders, Fidel Castro, Hugo Chavez et Raul Castro, ont toujours fait preuve.
Il ne fait aucun doute que, dans le scénario politique et géostratégique actuel, les nombreux et très divers motifs d’irritation entre les États-Unis et Notre Amérique vont s’exacerber.
Il ne s’agit plus d’une spéculation. Le gouvernement impérialiste lui-même a publiquement fait état de sa menace à l'intégrité territoriale des nations, comme en témoignent ses références au canal de Panama et les mesures prises pour réécrire la géographie régionale.
Bref, les divisions et les différends pourraient s'accentuer.
Ce n'est pas la première fois. Rappelons que lors du premier mandat de Trump, les structures régionales ont été polarisées ou semi-paralysées et qu'un groupe de pays a été encouragé à fonder d'autres structures dans la région, sous prétexte que devaient disparaître celles d'une prétendue orientation idéologique.

N'oublions pas, et j'ai quelques notes ici, ce que l'autre administration a fait par rapport à la question migratoire. Cette administration de Donald Trump entre 2017 et 2021 est celle qui a défendu la construction du mur à la frontière mexicaine ; celle qui a proposé une politique de tolérance zéro et de séparation des familles, qui a conduit à séparer des milliers d'enfants migrants de leurs parents à la frontière ; celle qui a conduit à la restriction du droit d’asile et des programmes de protection.
Souvenez-vous de ce programme « Rester au Mexique », qui obligeait les demandeurs d'asile à attendre au Mexique pendant le traitement de leur dossier ; il a également réduit le nombre de réfugiés admis aux États-Unis, en fixant des limites historiquement basses.
À l'époque, Trump a tenté d'éliminer le programme DACA, à savoir d’Action différée pour les arrivées d'enfants, qui protège de l'expulsion les jeunes immigrants sans papiers arrivés aux États-Unis alors qu'ils étaient enfants, mais cette décision a été bloquée par les tribunaux.



Néanmoins, ce fut une politique migratoire totalement anti-immigrés, au discours critique à l'égard des migrants, les décrivant parfois comme une menace pour la sécurité et l'emploi des Étasuniens. Cela a suscité de nombreuses critiques à l’encontre de cette politique, qui était une approche totalement nationaliste et très conforme à sa fameuse promesse de donner la priorité aux États-Unis.
Dans ce contexte, Cuba aspire à une migration ordonnée, sûre, régulière et respectueuse des droits humains.
Cuba défend également la préservation de la CELAC en tant qu'espace légitime de dialogue et de concertation politique des 33 pays de la région, ainsi que le maintien de ses principes, ce qui est aujourd'hui extrêmement nécessaire.
Dans le cadre de l'ALBA-TCP, la priorité serait de renforcer un programme économique, basé sur la complémentarité, qui tirerait parti de toutes les potentialités de chaque pays.
À propos d’autres questions liées à la migration, nous voudrions rappeler nos points de vue :
Cuba considère comme inacceptables l’expulsion violente et aveugle de migrants aux États-Unis, les détentions arbitraires et autres violations des droits humains, des mesures qui, par ailleurs, sont utilisées comme armes de pression politique et de chantage à l'encontre des peuples de Notre Amérique.
L’installation d'un centre de détention sur la base navale étasunienne à Guantanamo, où il est question d’emprisonner des dizaines de milliers de personnes, est un acte de barbarie. C'est aussi une menace pour la sécurité nationale de Cuba et de la sous-région. Il s'agit d'une enclave militaire qui occupe une partie du territoire cubain contre la volonté de notre peuple et de notre nation. Elle abrite également un centre de détention et de torture qui a été condamné par la communauté internationale à de nombreuses reprises.
L’élaboration d'une perspective migratoire de paix, d’entente et de collaboration, sans politisation, est une question qui requiert notre effort collectif et commun.
Les expulsions de migrants doivent être effectuées dans le cadre d'accords bilatéraux ou multilatéraux qui préservent la souveraineté de chaque pays et le principe de non-intervention dans les affaires intérieures.
La plupart des migrants qui se trouvent sur le territoire étasunien y sont arrivés attirés par son développement économique et pour satisfaire des besoins de base que les économies de leurs pays ne sont pas en mesure de fournir, souvent en conséquence, comme l'a expliqué Maduro, des politiques économiques et commerciales promues par les États-Unis.
Dans le cas particulier de Cuba, la politique du gouvernement étasunien consistant à offrir un traitement privilégié au migrant cubain, quel que soit le moyen par lequel il arrive dans ce pays, est largement connue, ce à quoi s’ajoute l'impact du blocus économique et de la politique de pression maximale, conçue pour abaisser le niveau de vie des Cubains vivant dans leur patrie.
Les migrants et les flux migratoires ne sont pas un problème, mais un phénomène de notre temps, une expression des défis du système international et de l'ordre économique injuste qui prévaut.
Le gel des aides publiques est une démonstration de l'égoïsme et de la politique discriminatoire que poursuivront les États-Unis.
Les premiers décrets du président Trump, tels que le retrait de l'Accord de Paris, ainsi que la déclaration d'une urgence énergétique nationale et la « libération énergétique » du pays, auront un impact très négatif sur les efforts mondiaux de lutte contre le changement climatique et la crise environnementale générale sur la planète.
Face à ce défi qui s’impose à la coopération internationale, aujourd’hui plus que jamais, les réponses du Sud doivent être renforcées. En ce sens, la capacité de concertation régionale sera vitale pour exiger ce qui nous appartient de droit, et je crois que nous devrions parvenir à certains accords sur ces points durant cette réunion.
Frères,
Le concept d'« unité dans la diversité », mis en exergue par le général d'armée Raul Castro Ruz, en tant que caractéristique de la CELAC et d'autres mécanismes d'intégration, revêt une plus grande importance face aux tentatives croissantes de nous diviser et de nous faire reculer par rapport au consensus déjà atteint sur les questions prioritaires pour nos nations.
Répondons à la contre-offensive impérialiste par l'unité et la globalisation de la solidarité, par la promotion de l'intégration, de la coopération et du dialogue.
Le Programme stratégique 2030 de notre Alliance, approuvé par les chefs d'État et de gouvernement le 24 avril 2024, lors du 23e Sommet à Caracas, est l'expression du travail et des efforts de cette petite communauté de nations et la boussole qui doit nous guider pour atteindre de nouveaux résultats.
Nous saluons les initiatives que l'Alliance a encouragées dans le cadre de la mise en œuvre du Programme stratégique.
Nous soutenons l'initiative AgroAlba, qui a progressé grâce à la signature d'un Accord-cadre lors du 24e Sommet de l'ALBA-TCP, qui s'est tenu le 14 décembre 2024 à Caracas. Il nous appartient maintenant de travailler au niveau bilatéral pour établir des modalités qui contribueront à augmenter la production d’aliments et à garantir notre sécurité alimentaire et nutritionnelle.
Il me semble que si nous examinons les problèmes actuels de nos nations, il est important d'inclure dans le cadre de l’AgroAlba les éléments des technologies agro-écologiques pour la production alimentaire.
Cuba a également apporté sa contribution à l'étude du SELA [Système économique latino-américain et caribéen], demandée par la Banque de l'ALBA et le Secrétariat exécutif de l'Alliance, lequel, une fois achevée, permettra d'identifier les niches de productions nationales qui faciliteront l'objectif de renforcer le commerce entre nos peuples et d’impulser la complémentarité économique nécessaire.
Pour ce faire, il sera indispensable d'établir des voies de communication maritimes et aériennes afin d'améliorer la connexion entre les pays concernés.
Quant à l'Intelligence artificielle, je voudrais réaffirmer que, sur la base de certains des points que j'ai relevés, il s'agit d'une technologie transformatrice qui peut aider les pays du Sud, les pays de notre Alliance, à obtenir des résultats positifs si nous travaillons de manière coordonnée. L'utilisation de l'Intelligence artificielle comporte des aspects positifs, qui ont un impact sur les progrès de la médecine, sur l'efficacité et la productivité, sur l'innovation dans les services, sur la contribution à la durabilité et sur l'accès à l'éducation et à la connaissance.
Mais l'utilisation de l'Intelligence artificielle comporte également des défis et des préoccupations, tels que la question de l'éthique et de la vie privée, les préjugés et la discrimination, l'impact sur l'emploi, le manque de transparence et les risques existentiels.
Dans notre pays, nous avons adopté une Stratégie de développement de l'Intelligence artificielle, fondée sur l'éthique et conforme à nos principes, et nous disposons également d'un système de travail pour soutenir cette stratégie.

Nous comptons sur un capital humain formé et, bien que nous ne disposions pas d'une infrastructure puissante, nous avons déjà des projets dans certains centres de recherche dont nous devons multiplier les bonnes pratiques et les expériences
Nous avons développé des projets dans les domaines de la formation et de l'éducation, de la santé, de l'agriculture.
Nous avons établi certains partenariats avec des pays et des organisations internationales en matière de coopération et, bien sûr, nous avons les limitations liées à l'infrastructure dans les conditions de blocus.
L'annonce faite par le Venezuela, lors du Sommet en décembre dernier, de la création d'un centre à cet effet à Caracas pourrait être une force motrice pour le travail urgent que nous devons et pouvons réaliser ensemble dans cette sphère importante qui peut contribuer vraiment au développement auquel nous aspirons.
En résumé, nous pensons que si cette Alternative, née de la prémisse bolivarienne de l'intégration qui nous sauvera, continue d'avancer avec plus d'unité, plus de dynamisme, plus de coordination et plus de volonté de renforcer et même de sauver certains des projets qui, à une époque, ont eu un grand impact sur nos peuples, si rien ni personne ne parvient à nous détourner de nos objectifs, rien ni personne ne pourra nous empêcher de réaliser les rêves auxquels tant de générations ont consacré leur énergie et même leur vie. Tel est l'engagement de Cuba, Maduro, envers notre Alliance, envers les peuples qui la composent et, bien entendu, nous nous battrons à leurs côtés.
Hasta la Victoria Siempre !
Je vous remercie.