ORGANE OFFICIEL DU COMITÉ CENTRAL DU PARTI COMMUNISTE CUBAIN
Souvent, la compagnie et l'amour sont plus urgents que les besoins matériels. Photo : Santiago Marti Photo: Granma

Ses interminables promenades dans les rues de Santiago « et un peu plus loin», vêtue de haillons et ne sachant où aller, après la mort de sa mère, appartiennent désormais au passé. C’est ainsi que se déroulaient les journées de Mirna, dont les 50 ans pesaient sur ses épaules autant qu’un siècle. « Errant sans but, dormant n’importe où, subissant les moqueries, le rejet et bien d’autres vexations jusqu'à ce que la Marraine me trouve pour m'emmener au foyer où j'ai une nouvelle famille », confie-t-elle.
Désormais, elle chante et on la remarque pour son sourire, aux côtés d'autres personnes qui fêtent collectivement leur anniversaire au Centre communautaire d'aide sociale, situé dans la rue populeuse Heredia, à Santiago de Cuba, où sont accueillies les personnes en situation de vulnérabilité, d'abandon ou sans famille, qui déambulent dans les rues ou se livrent à la mendicité.
« Bien sûr, ceux d'entre nous qui vivent à El Viso ne pouvaient pas manquer, j'en invite d’autres pour que leur situation s'améliore, comme c’est le cas pour la mienne », a lancé César à haute voix, qui vit désormais au Centre provincial de protection sociale inauguré le 8 mars.
Le principe selon lequel, dans la Cuba révolutionnaire, personne ne peut être laissé à l’abandon est inscrit dans l'article 70 de la Constitution, qui fait référence à la protection des « personnes sans ressources ni abri, dans l’incapacité de travailler qui n'ont pas de famille susceptibles de les aider, ainsi que des familles qui, en raison de revenus insuffisants, en ont besoin, conformément à la loi ».
Cependant, les effets néfastes de la pandémie de COVID-19, les relations économiques et commerciales complexes qui prévalent dans le monde et les conséquences du renforcement du blocus économique, commercial et financier contre Cuba nous ont amenés à repenser, en tant que pays, nos stratégies pour répondre à cet article de la Constitution. À cet effet, le système d'aide sociale et de prévention mène de nombreuses actions dont les résultats doivent être multipliés et améliorés en même temps.

L'AMOUR ET LES MERVEILLES QU'IL ENGENDRE
Liety Genesia Solas Benavides a suivi une formation d'assistante sociale.
« J'ai obtenu mon diplôme de psychologue et j'ai continué à travailler comme assistante sociale, mais à la mort de ma petite fille, âgée de quatre ans à peine, j’ai juré de servir les autres avec plus de ferveur », et elle est restée fidèle à cette conviction. Elle est actuellement coordinatrice du Groupe de prévention du conseil populaire de Heredia.
Selon Liety, « être sans-abri n'est pas toujours synonyme de pauvreté ; j'ai vu une fois un membre de ma famille très proche dormir dans un état d'ébriété sur la Plaza de Marte ».
Les principales autorités politiques et gouvernementales de la province ont promu, avec l'aide de responsables – en particulier ceux des communautés – ce qui s'appelait à l'origine Enramadas en Révolution, et qui est devenu le projet Con-Pasion (Avecpassion, qui signifie également compassion), a déclaré la coordinatrice.
Une cinquantaine de personnes, qui disposent d'un logement, mais qui n'ont pas de famille ou qui ne prennent pas soin d’elles, ont été associées à cette initiative, et sont accueillies en semi-internat.
Des travailleurs à leur compte, le secteur coopératif et paysan, des écoles et des institutions culturelles et sportives ont rejoint Con-Pasion. « C'est une chose merveilleuse, qui montre tout ce que nous pouvons faire pour les plus démunis ; les voir sourire nous satisfait et nous rend fiers », a déclaré l’instructrice du groupe folklorique pour les enfants de la maison de la Culture, Josué Pais Garcia. « Ici, nous garantissons le petit-déjeuner, le déjeuner, les collations, la fourniture de vêtements et de chaussures, les soins médicaux, l'hygiène et les soins de beauté », a expliqué Annia Charles Pero, membre du Groupe de prévention.
Des actions similaires sont mises en place dans toute la province, « centrées sur quelque 300 personnes, jusqu'à 60 ans, qui ont été identifiées comme sans-abri ou qui pratiquent la mendicité, et qui n'ont pas de soutien familial ». Les personnes âgées peuvent être placées dans des maisons de retraite et d'autres établissements de santé, car nombre d'entre elles souffrent de maladies liées à cet état d’abandon », a déclaré Annia Limonta Limonta, sous-directrice de la prévention, de l'assistance et du travail social à la Direction provinciale du travail et de la sécurité sociale (DPTSS).
Par ailleurs, le perfectionnement du Système d’attention à la famille (SAF) est une priorité, afin de mieux prendre en charge les plus de 5 100 bénéficiaires du programme, à travers ses 126 centres, dont beaucoup ont fait l'objet de processus d'investissement, dans les zones urbaines et rurales.

PLUS QU'UN CENTRE, UN FOYER
Conformément à la volonté politique, « il existe depuis longtemps un protocole qui est mis à jour et adapté à la situation, pour prendre en charge tous ceux qui se trouvent dans une situation de vulnérabilité – qu'elle soit temporaire ou permanente – en fonction des causes et des conditions. Des commissions de prévention fonctionnent dans tous les conseils populaires et municipalités, et des groupes multidisciplinaires et multisectoriels évaluent et traitent chaque cas », a déclaré Ernesto Gonzalez Ojea, directeur du DPTSS.
Cependant, il était essentiel de créer un centre de protection de ces personnes qui, bien qu'il ait fonctionné de facto depuis l'époque de la COVID-19, cette année « il  est géré comme une unité budgétaire subordonnée au gouvernement provincial du Pouvoir populaire, avec les conditions et le personnel nécessaires, car ici, nous ne nous contentons pas d'assister, nous protégeons », a déclaré Oliana Hierrezuelo Marcilli, directrice de l'institution située dans la zone d'El Viso.
Pour 2025, le gouvernement provincial a alloué dix millions de pesos au Centre, qui a une capacité d'accueil d'environ 200 personnes sans-abri, sans famille ou  personne pouvant s'occuper d’elles. « Nous avons 70 travailleurs et des groupes multidisciplinaires pour les aider matériellement et spirituellement, parce qu'il y a beaucoup d'histoires, souvent très tristes, dans chaque vie qui vient à nous. La direction de la province nous a dit que, si nécessaire, le budget pourrait être augmenté », a souligné Hierrezuelo Marcilli.
« Notre travail est magnifique, nous devenons pratiquement la famille de chaque résident. Ils m'appellent "oncle" ou "papa", cela me rend heureux et parfois j’éprouve de la nostalgie, car ma mère souffrait de schizophrénie. Le fait d'être ici, de servir, me permet de me sentir utile en tant que Cubain et en tant qu'être humain », a déclaré Yasser Irsula Pérez, qui sert d'assistant à 14 femmes « « qui dansent et qui chantent », a-t-il dit.
Comme toutes les Dolores, Lola a beaucoup de choses à raconter. « Ma vie a été dure, très dure, jusqu'à aller fouiller dans les poubelles. Heureusement, ce temps est révolu ; ici, nous nous sentons très bien, nous sommes bien traitées », dit-elle, les larmes aux yeux.

DES LOIS QUI PROTÈGENT SANS DISTINCTION
« La loi 160 stipule qu'il incombe au ministère public de contrôler la légalité, entre autres questions, du traitement des personnes en situation de vulnérabilité, en particulier à l'article 12, paragraphe 1 », a déclaré Ladenis Ricardo Soria, cheffe du Département de la protection de la famille et des affaires juridictionnelles du ministère public provincial de Santiago de Cuba.
Il est évident que « parmi les personnes protégées par ces dispositions légales se trouvent les personnes sans domicile fixe, socialement vulnérables. Le Bureau du procureur, dans le cadre du contrôle de la légalité, avait jusqu'en 2021 parmi ses fonctions la représentation de ces personnes, si elles se trouvaient en situation de handicap. Nous avons l'expérience de cas dans lesquels il a été constaté que des tiers avaient porté atteinte à leurs droits, en particulier concernant le patrimoine, la propriété du logement et certains revenus. Avec la modification de la loi 141, le code de procédure, la représentation légale de ces personnes relève de la responsabilité du médiateur familial », a expliqué la spécialiste en droit civil et familial.
Ainsi, a-t-elle ajouté, « nous effectuons des visites de contrôle dans les centres de protection sociale où sont hébergées ces personnes, qui ont besoin d’une évaluation multidisciplinaire afin de définir les actions à entreprendre pour éliminer les causes et les conditions qui motivent leur errance ».
Le Bureau du médiateur est une structure du ministère de la Justice, dont la mission est de protéger, garantir et rétablir l'exercice des droits des personnes en situation de vulnérabilité socio-juridique.
« Personne n'a le droit de dormir en paix tant qu'il y a un être humain, un seul être humain malheureux », disait notre Héros national Jos2 Marti. Il appartient donc à la société dans son ensemble de veiller à ce que les droits de ses membres ne soient pas violés, sous la direction des institutions qui, de par leur mandat social, sont chargées de cette tâche.
Il est certain que la situation économique du pays est complexe, et qu’il faut sans doute s’efforcer d’atteindre, dans la mesure des moyens dont nous disposons, le plus grand nombre de personnes possible. Mais malgré toutes ces contraintes, la dignité humaine reste une priorité et aucun moyen, aussi maigre soit-il, ne doit être épargné à cette fin. C'est un travail perfectible, qui ne touche pas encore toutes ces personnes, mais le chemin qui reste à parcourir, tout ce qui reste en suspens, n'enlève rien à tous les efforts pour accompagner, aider, protéger, donner de l'amour à ceux qui en ont le plus besoin.