ORGANE OFFICIEL DU COMITÉ CENTRAL DU PARTI COMMUNISTE CUBAIN
Le développement scientifique n'a été possible que grâce à la vision stratégique de Fidel, lorsqu'il décida de créer l'industrie biotechnologique cubaine. Photo: Jorge Oller

Le 19 août 2020, le Dr Vicente Vérez Bencomo, directeur de l'Institut Finlay des Vaccins (IFV), présenta le premier candidat vaccin contre la maladie, mis au point par des scientifiques cubains, au président de la République, Miguel Diaz-Canel Bermudez, et au Groupe national de spécialistes, chargé de la lutte contre la pandémie de COVID-19.

Mais faisons une parenthèse. Pour en arriver à ce résultat, il a fallu un exploit, qui remontait au pari que fit le leader historique de la Révolution cubaine, Fidel Castro Ruz, de développer l'industrie biotechnologique dans le pays, à une époque où seul un petit nombre de pays hautement industrialisés s'aventuraient dans cette importante branche du savoir.

Avec la création du Pôle scientifique de l’ouest de La Havane, les entités impliquées dès le début, et celles qui l’ont rejoint ultérieurement, adoptèrent un système de travail en cycle fermée : recherche, développement, production et commercialisation.

C’est précisément ce système qui a permis, quelques mois seulement après la détection du premier cas positif de COVID-19 dans le pays, de mettre au pointun candidat vaccin spécifique contre la maladie.

Bien qu'attendue (depuis plusieurs jours, des informations circulaient sur les réseaux sociaux qui laissaient présager un résultat aussi important), la nouvelle a néanmoins bouleversé tout Cuba, renouvelant l'espoir quant à la capacité du pays, et en particulier de ses scientifiques, à surmonter, par nos propres efforts, la situation épidémiologique dangereuse et extrêmement difficile qui prévalait au cours de cet été rigoureux.

Les détails furent présentés le lendemain dans l'émission télévisée Mesa Redonda (Table Ronde) par le Dr Vérez Bencomo et les jeunes docteurs Yury Valdés et Dagmar Garcia Rivera, principaux responsables du projet à l'IFV, ainsi que par la Dre Belinda Sanchez Ramirez, du Centre d'Immunologie moléculaire, l'une des scientifiques de cette institution ayant le plus participé aux recherches qui ont conduit au développement de nos vaccins. 

Surmontant l’émotion du moment, ils expliquèrent pourquoi le candidat vaccin avait été nommé Soberana et ils annoncèrent le début des essais cliniques le 24 août, après avoir reçu, la veille du 94e anniversaire de Fidel, l'autorisation du Centre de contrôle de l'État des médicaments, des équipements et des dispositifs médicaux (Cecmed).

Pour rappeler des passages de cette histoire importante, Granma s'est entretenu avec Dagmar Garcia, docteure en sciences pharmaceutiques, directrice adjointe de recherche et développement de l'IFV, l'une des figures clés de cet exploit de la science cubaine.

« Le point de départ remonte à la réunion tenue par le président Diaz-Canel, le 19 mai, au théâtre du Centre cubain de neurosciences avec des représentants de diverses institutions de BioCubaFarma.

« Là, il a insisté sur le fait que, quels que soient les progrès réalisés par d'autres pays dans leur recherche d'un vaccin, il était important d'obtenir le nôtre, car cela nous donnerait la souveraineté dans la lutte contre la pandémie, au milieu du siège hostile du gouvernement des États-Unis. J'ai quitté la réunion avec le sentiment que nous étions appelés à faire quelque chose de très urgent et nécessaire, pour sauver le pays.

« Ma génération n’est pas celle qui était avec Fidel, quand il a également fait appel aux scientifiques de l’Institut Finlay pour développer le vaccin contre le méningocoque dans les années 1980, au milieu d’une épidémie notable de méningite B. 

« Mais nombre de mes collègues impliqués dans le projet ont participé à cette épopée scientifique tout aussi importante. Nous avons tous réussi à nous unir autour d'un objectif commun : créer notre propre vaccin. Au final, nous en avons produit trois. »

Selon la Dre Dagmar Garcia, à la mi-juillet 2020, ils ont constaté des progrès significatifs avec Soberana. Sauf obstacle imprévu, ils devaient recevoir l'autorisation du Cecmed pour lancer l'essai clinique avant le 13 août.

« Lorsque la Table ronde s'est achevée le 20 août, l’émotion était telle que nous étions tous en larmes. À cet instant, l'équipe de l'ICRT en studio ont fait un grand silence, immédiatement interrompu par des applaudissements si nourris qu'aujourd'hui encore, cinq ans plus tard, ils résonnent encore dans mes oreilles. »

La directrice adjointe de la recherche et du développement de l'IFV a déclaré que le rôle des jeunes avait été décisif et qu'il y avait beaucoup d'histoires à raconter.

Certains d’entre nous, par exemple, ont testé différentes formulations (concentration d'antigène ou nombre de doses), en partant du principe éthique que, sans nous exposer à des risques, nous pouvions accélérer les délais d'exécution du projet. Personne n'a hésité.

« Nous avons vu de jeunes mères de scientifiques laisser leurs enfants à la crèche, alors que presque aucun enfant n'y allait par crainte de l'épidémie. Il n’a jamais manqué d’assistante maternelle, même si ce n'était que pour garder un ou deux enfants.

La Dre Garcia Rivera a souligné qu'en seulement trois mois, du 19 mai au 13 août, l'autorisation de débuter les essais cliniques a été obtenue. Moins d'un an s'est écoulé entre le début de ces études et l'autorisation d'utilisation de notre vaccin Soberana et du vaccin Abdala par le Centre de génie génétique et de biotechnologie.

« Cela n'a été possible que grâce à la rigueur, au dévouement et à l'engagement de tous ceux d'entre nous qui ont participé au développement des deux vaccins, mais surtout grâce à la vision stratégique de Fidel lorsqu'il décida de créer l'industrie biotechnologique cubaine. »

Cela a signifié que l’intégration et la complémentarité des capacités de recherche et de technologie avec le Centre d’immunologie moléculaire et la Faculté de chimie de l’Université de La Havane ont été décisives dans le développement rapide des vaccins.

« Je dois souligner que la participation populaire a été impressionnante. Les essais cliniques de phase III de Soberana à La Havane et d'Abdala à Santiago de Cuba ont été des exemples de la manière dont le peuple a relevé l'immense défi de vaincre la COVID-19.

« Pour ma part, le moment le plus émouvant de tout le processus s'est produit le 5 septembre 2021, date à laquelle la vaccination des enfants a commencé, après la conclusion réussie de l'essai clinique Soberana-Pédiatrie », a-t-elle déclaré.

« En seulement trois semaines, plus de 97 % des enfants cubains ont été vaccinés avec la première dose de Soberana O2, ce qui a permis de commencer l'année scolaire en novembre.

« Cela ne me plaît pas d’entendre dire que le premier vaccin cubain ou latino-américain fut Abdala ou Soberana. L'important est que chaque Cubain y ait eu accès et que le pays soit sorti victorieux de la lutte contre la pandémie.

Preuve de la force de la science cubaine dans ce secteur : les projets de vaccins antipneumococciques de l'IFV, avec le premier produit Quimio-Vio à sept sérotypes et une nouvelle génération de 11 sérotypes en phase clinique pour les nourrissons et les personnes âgées, ainsi qu'un autre candidat à 15 sérotypes en phase préclinique.

La Dre Dagmar Garcia a également souligné que son institution travaille sur le vaccin multivalent contre le méningocoque, ainsi que sur un nouveau vaccin actualisé contre la COVID-19.

« Aujourd'hui, l'IFV, en tant que responsable du programme national de vaccination, met en place des réseaux de coopération internationale pour assimiler la technologie de l'ARNm dans le pays, en tenant compte de sa capacité à produire de grands volumes de doses dans un court laps de temps. »

Comme le suggère l’Organisation mondiale de la santé (OMS), disposer de cette possibilité est essentiel pour se préparer aux futures épidémies, a-t-elle déclaré.