ORGANE OFFICIEL DU COMITÉ CENTRAL DU PARTI COMMUNISTE CUBAIN
Photo: Juvenal Balán

• Elle ne voulait pas connaître le sort de ceux qui doivent emporter un petit bout de terre avec eux comme un charme à retenir. Elle ne voulait pas garder le moindre morceau de Cuba pour elle. Elle aspirait à voir toute sa patrie sur sa tombe, à être enracinée dans son sol, à rester dans la substance poétique de ce qui était à jamais son rivage.
Et elle a réussi, car Carilda Oliver Labra est - indéniablement, et dans les cent premières années depuis sa naissance - l'essence de son Île. Non seulement ses textes, qui font d'elle une voix incontournable de la littérature hispano-américaine, mais aussi sa personnalité, parlent de la cubanité comme d'un tissu spirituel et comme d'une attitude.
Carilda a écrit et est partie avec fougue et courage. Ses poèmes vont du sublime à l'effronterie, toujours à partir de l'émotion comme preuve suprême que l'on vit. C'est pourquoi elle est un grand poète, car il n'y a pas de plus grand antagoniste de la poésie que l'imposture.
Avec ses vers, elle pleurait le sang que la tyrannie de Batista faisait couler sans honte, et elle savait montrer combien les os des morts étaient lumineux ; avec ses mots aussi, elle pleurait quand un homme était perdu pour elle, et pour le conjurer, elle a écrit un livre capital sur l'amour, la perte et le deuil.
Depuis son domicile de Calzada de Tirry 81, elle a résisté à tous les assauts et a continué à parler pour et à un pays qui coulait dans ses veines, et dans lequel il s'est doucement tissé, comme un mythe soutenu par les vérités d'un art authentique.
Il faut se plonger dans ses livres pour trouver, outre les frissons du désordre, ceux de l'identité, de la condition féminine et humaine, du patriotisme... Elle a dû sa vie à Matanzas, elle l'a voulu et aurait pu lui devoir la mort ; et, depuis, de nombreux chants à Carilda sont encore en attente, pour payer la dette infinie à sa merveille.