La campagne médiatique qui s’est déchaînée à propos de la situation de plusieurs milliers de Cubains bloqués au Costa Rica, abordée par les grandes agences de presse et de télévision avec une arrière-pensée politique marquée, contraste avec le silence qu’elles observent sur le drame quotidien que vivent des centaines de milliers de Centre-américains et de Sud-américains qui utilisent également ce couloir pour atteindre les États-Unis.
Alors que les Cubains disposent d’une voie pratiquement garantie vers le « rêve américain », leurs paires du continent doivent traverser forêts vierges et déserts pour échapper aux patrouilles frontalières, mais aussi à des groupes paramilitaires qui leur refusent l’entrée sur le territoire étasunien.
La récente réunion à San Salvador entre des ministres des Affaires étrangères d’Amérique centrale et des représentants de Cuba, du Mexique, d‘Équateur et de Colombie, a démontré leur intérêt à trouver une solution à la situation actuelle complexe au Costa Rica, mais aussi à rendre visible dans son intégralité le problème de la migration dans la région, l’une des plus pauvres du continent, frappée par les fléaux du trafic de drogues et de la violence.
Une étude de l’Agence des Nations unies pour les Réfugiés (HCR) a mis en garde en octobre dernier contre le risque prévisible d’une crise migratoire en Amérique centrale.
« Les violences perpétrées par les gangs organisés transnationaux au Salvador, au Guatemala, au Honduras et dans certaines parties du Mexique sont devenues monnaie courante », a déclaré le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Antonio Guterres, durant la présentation, à Washington, d’un nouveau rapport sur la situation, intitulé Femmes en fuite.
Même si le document est centré sur les femmes, Guterres a signalé qu’entre 2008 et 2014, le HCR a constaté que les arrivées aux États-Unis depuis les pays du Triangle nord de l’Amérique centrale (Honduras, Salvador et Guatemala) ont quintuplé et que les demandes d’asile venant du Mexique et d’autres pays ont été multiplié par treize.
Dans l’ensemble, ce sont près de 200 000 Centre-américains qui tentent de franchir chaque année la frontière du Mexique pour arriver aux États-Unis. Selon des données du Commissaire des Droits de l’Homme au Honduras, de 2009 à 2014, environ 77 243 mineurs centre-américains sont entrés illégalement aux États-Unis : 27 579 du Guatemala, 25 985 du Honduras et 23 679 du Salvador.
Au cours de leur traversée, ils se heurtent à des dangers tels que le crime organisé, les extorsions, les blessures, les vols, les assassinats, les accidents, et, au bout de voyage, à la stricte politique migratoire des États-Unis et, la plupart de temps le périple finit par la déportation.
LES CUBAINS, UN CAS UNIQUE
À cette situation complexe sont venus s’ajouter ces dernières années des Cubains, qui partent légalement de Cuba vers un autre pays de la région, pour rejoindre ensuite le flux migratoire à travers l’Amérique du Centre, à la merci des coyotes et des trafiquants de personnes. Cependant, la réalité à laquelle ils sont confrontés pendant leur voyage est unique.
Depuis l’année 1995, le gouvernement des États-Unis applique la politique dite « des pieds secs-pieds mouillés », selon laquelle les Cubains interceptés en mer sont renvoyés dans leur pays, alors que ceux qui parviennent à toucher le sol étasunien ont le droit de rester.
Dans cette variante de la migration terrestre à travers un pays tiers, les Cubains n’ont en fait qu’à se présenter à un poste frontière et prouver qu’ils viennent de l’Île.
Le programme Cuban Medical Professional Parole Program, conçu pendant l’administration républicaine de George W. Bush, va encore plus loin, puisqu’il est conçu pour encourager les médecins cubains à abandonner leurs missions dans des pays tiers.
Ces deux politiques, que le président des États-Unis a le pouvoir de modifier, ont pour toile de fond la Loi d’Ajustement cubain, datant de 1966, dont l’interprétation jusqu’à ce jour a été celle d’octroyer la résidence immédiate aux citoyens cubains qui en font la demande.
Née en pleine Guerre froide, cette législation a pour objectif de déstabiliser le pays et de le priver de son capital humain.
Les pays concernés par cette situation travaillent à trouver une issue à cette situation complexe, mais ils signalent qu’il faut également apporter une solution au problème de façon intégrale pour empêcher qu’il ne se répète à l’avenir.
De la même façon, les représentants de plusieurs pays d’Amérique centrale indiquent que toute analyse du point de vue humanitaire ne saurait exclure leurs ressortissants, qui de plus en plus nombreux, risquent leur vie pour atteindre le territoire des États-Unis avec l’espoir d’améliorer leur situation économique.