
Il a toujours été admirable – et en même temps presque impossible à croire – qu'au Pérou, du fait de son histoire de dirigeants impliqués dans des scandales de toutes sortes – principalement de corruption – un enseignant modeste, dont la garantie fondamentale est l'honnêteté et l'engagement à répondre aux intérêts du peuple, puisse arriver à la présidence.
C’est ainsi qu’après un vote populaire, Pedro Castillo, l'homme au chapeau qui l'a toujours accompagné, a atteint le plus haut échelon de la vie politique et gouvernementale.
Le Pérou a une longue histoire dans laquelle s’entremêlent coups d'État, arrestations de présidents et leur procès, et un système judiciaire compliqué qui tarde à juger et le fait à partir ce ce même enchevêtrement qui a si souvent été remis en question.
Depuis le 28 juillet 2021, date du début de son mandat présidentiel, tout a été fait pour qu’il soit impossible pour l'enseignant paysan, devenu président, d'exercer ses fonctions.
Tout le monde le savait et beaucoup l'avaient prévenu, mais une grande dose d'humilité, associée à une naïveté politique marquée, ont réduit à néant non seulement le mandat de Castillo, mais aussi les aspirations de millions de personnes, paysans, indigènes, enseignants et autres secteurs qui avaient placé en lui l'espoir si souvent frustré par les compromis néolibéraux.
Ce qui s'est passé cette fois n'est pas nouveau, mais les plus de 40 morts et les centaines de blessés parmi la population civile viennent s'ajouter au pitoyable panorama d'un pays dont le système politique épuisé ne saurait apporter aucune solution à ses propres maux.
Une présidente, issue de l'équipe de Pedro Castillo, désormais emprisonné, a donné libre cours à sa soif de pouvoir et a rejoint les rangs de ceux-là mêmes qui n’ont jamais permis qu'un enseignant rural et dirigeant syndical soit président de la République.
Dina Boluarte, présidente non élue par le peuple, est accusée de génocide présumé, d'homicide aggravé et de blessures graves, pour avoir ordonné à la police et à d'autres forces de réprimer ceux qui, dès le moment du coup d'État perpétré contre Pedro Castillo, sont descendus dans les rues de nombreuses villes du pays, principalement dans la région de Puno, pour exiger le retour du président, la démission de Dina, la tenue d'élections anticipées et la démission du Congrès.
Ces derniers jours, le Congrès péruvien, convoqué d'urgence en raison de la gravité de la situation, a dû suspendre ses séances lorsqu'un groupe de parlementaires a traité d’« assassins » les dirigeants de cette entité.
Le président du Conseil des ministres, Alberto Otarola, le ministre de l'Intérieur, Victor Rojas, et le ministre de la Défense, Jorge Chavez, ont été accueillis aux cris de « Assassins dehors ! Vos mains sont tachées de sang, vous êtes des assassins ! »
Les jours et les semaines passent et une question grandit dans la clameur du peuple péruvien : combien d'autres personnes devront-elles mourir avant que les événements qui ont mis Pedro Castillo derrière les barreaux ne prennent fin ?