ORGANE OFFICIEL DU COMITÉ CENTRAL DU PARTI COMMUNISTE CUBAIN
La pression économique pour décrocher de nouveau un contrat de travail est telle que ce secteur accepte, en moyenne, d'être réemployé à un salaire inférieur. Photo tirée de El Heraldo

Le titre d'un article à la une d'un journal hégémonique dit : « Pourquoi être licencié peut être la meilleure chose qui te soit jamais arrivée ? » L'idée est que, selon Marlo Lyons, un entraîneur de carrière, le licenciement est l'occasion d'un nouveau départ. Un nouveau départ d’être au chômage, devrais-je ajouter. Demandez aux parents de plusieurs enfants si le fait d'être licencié est une chance. Dites-le aux 1,64 million de personnes qui, en 2023, ont été licenciées aux États-Unis ; 1,64 million de personnes qui ont perdu leur emploi du jour au lendemain et qui, selon CNN, se voient offrir une chance d’un nouveau départ.
Selon le magazine Forbes, 40 % des Étasuniens ont été licenciés à un moment ou à un autre, ce qui, souligne le média, peut aider le nouveau chômeur à surmonter ses propres sentiments et à ne pas se sentir seul. Ma grand-mère disait que la pauvreté de beaucoup est le réconfort des imbéciles.
La solution au licenciement n'est, en aucun cas, la lutte collective. Pas même avoir recours à un syndicat qui protège ses droits qui ont été violés et qui, comme nous l'avons vu, sont des intérêts collectifs. La solution, selon la chaîne CNBC, est que le travailleur licencié améliore sa présence sur les réseaux sociaux, peaufine son CV en ligne, crée un profil sur un réseau professionnel tel que Linkedin et, cela va de soi, évite de critiquer son ancien employeur, celui qui l'a licencié sans aucune raison, si ce n’est que les patrons n’amassaient plus autant de millions qu'avant, et de ce fait le nouveau chômeur était de trop.
Le Bureau des statistiques du travail des États-Unis a calculé que la durée moyenne du chômage pour les salariés qui ont été licenciés de leur ancien emploi est statistiquement plus élevée que pour le reste des chômeurs. En moyenne, il leur faut 1,6 fois plus de temps pour trouver un nouvel emploi. La pression économique pour décrocher de nouveau un contrat de travail est telle que ce secteur accepte, en moyenne, d'être réemployé à un salaire inférieur. Il semble que la chance d'un nouveau départ soit, disons-le, plus précaire.
La logique du capital ne rate pas. Le pire, c'est de voir comment on l’assimile à l'ordre « naturel » des choses. Si tu te retrouves au chômage à cause de la cupidité des 1%, ne sois pas un perdant, ne te plains pas, cherche un autre emploi. Ainsi, si demain tu parviens à l'autre bout de la matraque, tu n'hésiteras pas à licencier d'autres salariés si on te l’ordonne. Somme toute, tu auras appris alors que la vie est ainsi faite et qu'il s'agit d'être du bon côté de cette équation.
En 2020, la NBC a réalisé une étude sur l’origine des soutiens à Donald Trump, alors président. Dans ces districts où le chômage avait augmenté, le soutien au magnat n'avait cessé de croître. Dans 70 % des districts les plus durement touchés par le chômage, le soutien à Trump s’était consolidé. À Miami Dade, par exemple, où le chômage avait connu cette année-là une hausse brutale de 10,7 points, le pourcentage des voix de Trump avait enregistré une croissance de 12 points. Tout cela malgré le fait que, pendant sa présidence, le Département du travail avait signalé une perte nette de trois millions d'emplois. Et plusieurs études soulignent que, dans les propres entreprises de Trump ou de sa famille, le nombre de personnes licenciées était loin d'être insignifiant.
Une partie non négligeable des couches modestes de la population aux États-Unis voit en Trump une sorte de sauveur, ce qui devrait surprendre ceux qui n'ont pas analysé en détail ce qui s'est passé, sur le plan idéologique et culturel, dans le capitalisme mondial après la débâcle de l'espace soviétique : l'exacerbation de l'égoïsme comme seule porte de sortie individuelle de la jungle dans laquelle nous vivons, et l'annulation culturelle de tout horizon collectif. En d'autres termes, la fin de l'histoire.
Sans doute l'ancien président de ce pays reflète-t-il bien cette philosophie de vie. Malheureusement, cette vision hégémonique ne s’est pas cantonnée au pays du Nord, et au cas où certains penseraient qu’elle ne nous influence pas, elle nous imprègne comme un cancer en quête de métastases.
C’est pourquoi, si tu ne veux pas être isolé et écrasé, ne mentionne jamais, jamais, tu as bien entendu, jamais, la lutte des classes, c'est un anathème ! Tu  deviendrais un pestiféré car tu montes les uns contre les autres. Ainsi, tous ensemble, homogénéisés dans l'imaginaire populaire, tous sont dans le même sac de la société (non) idéale, ensemble le mort de faim et le riche.
L'aspiration que l'on nous vend sans cesse depuis le Nord, soutenue par la clique de la restauration, c'est d'aspirer à l'« american way of life », même si nous lui enlevons le côté « américan » et, en étant très pointilleux, le tropicalisons en espagnol. Qu’il en soit ainsi, même si aujourd'hui l'American way of life, dans leur pays d'origine, fait bonne figure quand on te vire, et qu'on t’oblige à aller chercher du travail, en étant résigné à accepter un emploi moins payé.