
« On pourrait dire que la liste est apparue comme un instrument politique de certains groupes étasuniens, dont l'intérêt principal est de renverser le gouvernement cubain et d’imposer un coût à l'intérêt de la communauté internationale et de la grande majorité des Étasuniens, qui souhaiteraient avoir une relation mutuellement avantageuse avec Cuba », a déclaré Rodney Gonzalez Maestrey, directeur de la Direction des affaires juridiques et de l'analyse de la direction générale chargée des États-Unis au ministère cubain des Relations extérieures, en évoquant la récente décision du président étasunien Joe Biden de retirer Cuba de la liste des États qui soi-disant soutiennent le terrorisme.
Le fonctionnaire a expliqué que cette norme avait également comme objectif d’élargir la base juridique de législations punitives supplémentaires à l'encontre du peuple cubain et à établir l'idée que Cuba représentait une menace pour la sécurité des États-Unis et qu'elle agissait contre les intérêts de ce gouvernement.
À propos de l'effet de la mesure, il a souligné qu'il ne serait pas immédiat, « car des procédures du Congrès devaient être respectées ».
COMMENT L'INSCRIPTION SUR CETTE LISTE A-T-ELLE NUI À CUBA ?
« Immédiatement, dans les semaines qui ont suivi l'inscription de l'Île sur cette liste, en janvier 2021, le gouvernement cubain a perdu plus de 40 relations avec des institutions financières et bancaires », a-t-il déclaré, ajoutant qu'au cours des quatre ou cinq dernières années, le pays avait essuyé le refus de plus d'un millier d'institutions financières et bancaires.
« Il faut tenir compte du fait que les États-Unis dominent la scène financière internationale, si bien que leurs tentacules s'étendent aux institutions financières et bancaires dans le monde entier, la plupart par choix de leur gouvernement », a-t-il dit.
Par exemple, a-t-il observé, dans le tourisme, qui est l'une des branches qui génère le plus de revenus et qui a un effet d'entraînement sur d'autres secteurs de l'économie cubaine, cette mesure a eu un impact majeur sur le flux de visiteurs européens.
En 2023, a-t-il dit, la région des Caraïbes a connu un boom dans ce secteur, alors que c'est le contraire qui s'est produit à Cuba. Le tourisme en provenance d'Europe a diminué cette année-là, en conséquence directe de l'inclusion et du maintien par les États-Unis d'un programme d'exemption de visa pour 41 pays, principalement de l'Union européenne et de l'Asie.
« Les voyageurs qui sont soumis à ce programme ou qui en bénéficient n’ont pas à demander de visa pour se rendre temporairement aux États-Unis, mais depuis l'inclusion de Cuba dans cette liste arbitraire, les personnes qui avaient décidé de visiter l'Île devaient demander un visa à l'avance pour entrer aux États-Unis ; une formalité lourde en raison du délai, de sorte que la majorité des voyageurs du Vieux Continent a décidé de changer de destination ».
Et d’ajouter que la désignation de Cuba comme État soutenant le terrorisme a également porté atteinte à une composante pratique des relations bilatérales en matière d'application et de respect de la loi. En effet, d'une part, les États-Unis maintenaient Cuba sur cette liste, mais d’autre part, ils recherchaient et reconnaissaient l'importance de la coopération cubaine dans ce domaine, notamment en matière de lutte contre la drogue, d'échange d'informations et de sécurité nationale des deux pays.
Par contre, a-t-il rappelé, en 2015, une institution de crédit (qui mesure les crédits internationaux) a décidé d’améliorer la position de Cuba, en la mettant dans la catégorie « favorable », pour la simple raison qu'à l'époque, l'archipel et les États-Unis étaient engagés dans le processus de normalisation.
« Cela envoyait un signal direct au monde des affaires et des investissements, ce qui a amené les investisseurs étrangers à commencer à s'intéresser de plus près au marché cubain ».
Selon Gonzalez Maestrey, l'inclusion « a immédiatement élevé la notion de "risque pays", un élément fondamental que les investisseurs étrangers prennent en compte lorsqu'ils font des affaires avec n'importe quel pays, y compris Cuba ».
ENTITÉS SOUMISES À RESTRICTION ET LOI HELMS-BURTON
En évoquant la révocation des deux autres mesures, le spécialiste a réaffirmé les conséquences qu’entraînait l'application de la liste des entités soumises à restriction, qui incluait l'ensemble du tissu commercial cubain, lui interdisant toute transaction avec des entreprises étasuniennes, ainsi que l'interdiction d'héberger des citoyens étasuniens dans la plupart des hôtels cubains, y compris les hébergements privés.
Le spécialiste a rappelé que le Titre III de la Loi Helms-Burton a été réactivé en 2019 par ce même gouvernement, alors que toutes les administrations précédentes ne l'avaient pas mis en application depuis son adoption en 1996, dans le cadre de leur politique étrangère à l'égard de Cuba.
Cette clause, a-t-il précisé, visait à décourager les investissements directs étrangers, alors que l'Île misait – dans les années 1990 – sur cette alternative comme une composante très importante de l'économie cubaine.
« Ce titre a ouvert la possibilité pour des individus aux États-Unis de porter plainte devant les tribunaux étasuniens contre des entités qui avaient fait des affaires avec des propriétés qui avaient été confisquées ou nationalisées – comme le stipule cette loi – par la Révolution cubaine dans ses premières années », a-t-il précisé.
Gonzalez Maestrey a conclu que ces décisions constituent une reconnaissance de l'échec de l'approche de la politique du gouvernement étasunien à l'égard de Cuba. Une politique conçue pour identifier, chirurgicalement, par le biais d'une pression économique maximale, les sources de revenus externes, faire souffrir l'économie et détériorer le niveau de vie de la population cubaine.